La grammaire française peut paraître parfois surprenante…

Par exemple, on apprend aux gens, et c'est bien normal, que dans une proposition subordonnée hypothétique introduite par si(1), l'emploi du Conditionnel est incorrect. Dans une phrase complexe comme celle que vous trouverez ci-dessous, le Conditionnel, le cas échéant, est de mise uniquement dans la proposition principale(2).

Si j'utilisais ici le Conditionnel, je serais dans l'erreur.

C'est une règle facile à mettre en œuvre, qui semble garantir une progression paisible à travers les méandres tortueux de la syntaxe. Malheureusement, un jour, toutes ces belles certitudes volent en éclats, précisément lors de la confrontation avec une phrase du type :

Je me demande si je ne devrais pas utiliser ici une autre forme.

Panique à bord, cette phrase semble parfaitement correcte tout en paraissant souffrir de ce qui avait été présenté comme le mal syntaxique ultime, à savoir l'utilisation du Conditionnel après la conjonction si. C'est l'instant précis où le suspens grammatical est à son comble et où tous ceux qui avaient laborieusement intégré la première règle vont exprimer leur indignation :

Mais, enfin, comment est-ce possible ? On nous aurait donc menti durant toutes ces années ? Ces règles grammaticales, quel tissu d'inepties !

Et c'est ainsi que naissent les mauvaises réputations ! Pourtant, la grammaire n'a pas le caractère aléatoire qu'on lui prête souvent. Et le second exemple n'invalide pas le premier, tout simplement parce qu'ils ne doivent pas être considérés sur le même plan. En effet, dans le second cas, la proposition introduite par la conjonction si n'est pas une proposition hypothétique (elle ne pose pas de réelle condition) mais une proposition interrogative indirecte : en l'occurrence, le si ne sert pas à formuler une hypothèse mais à transformer syntaxiquement une question directe en une question indirecte, comme dans l'exemple suivant :

Je me demande : ne devrais-je pas utiliser ici une autre forme ? (interrogative directe)
Je me demande si je ne devrais pas utiliser ici une autre forme (interrogative indirecte)

On garde dans l'interrogative indirecte le même temps et le même mode que dans l'interrogative directe et c'est la raison pour laquelle on peut très bien rencontrer dans une telle configuration un Conditionnel après la conjonction si.

Un peu complexe peut-être mais pas absurde pour autant !


  1. (1) Matérialisée en rouge dans mon exemple.
  2. (2) Matérialisée en bleu dans mon exemple.