Des infinis plus gros que d'autres
Comment distinguer la taille des infinis ?
Ce qui n'est pas fini est infini : cette distinction, connue de tous, masque la multiplicité des infinis. Et oui, certains infinis sont plus gros que d'autres… pour le comprendre, il est nécessaire de passer par un peu de mathématiques.
Des mathématiques ? Oui, de la théorie des ensembles même ! Cette branche, dont le fondateur est l'allemand Georg Cantor (devenu fou à la fin de sa vie, mais passons), s'intéresse non pas aux nombres, mais aux ensembles de nombres.
Un ensemble de nombres est une collection de nombres, qui peut être finie ou infinie : l'ensemble formé des nombres 0 et 3,5 est fini, mais l'ensemble des nombres pairs est infini. On écrit {1, 3, 4} pour désigner plus simplement l'ensemble contenant les nombres 1, 3 et 4. Pour représenter l'ensemble {0, 1, 2, 3, … } (où les … indiquent que l'ensemble se poursuit à l'infini), on utilise la lettre \(\mathbb{N}\). \(\mathbb{N}\) est aussi appelé ensemble des entiers naturels : il contient tous les nombres entiers positifs.
On a donc un exemple d'ensemble infini. En fait, c'est le plus petit infini possible. Donnons un autre ensemble infini, mais plus grand : [0,1]. Cette notation signifie que l'ensemble contient tous les nombres entre 0 et 1, comme par exemple \(0,3754874\). Ça ne saute pas aux yeux que cet ensemble est plus gros que \(\mathbb{N}\). Et pourtant, on peut le prouver !
Pour cela, supposons le contraire, et essayons d'aboutir à une contradiction. Si [0,1] n'était pas plus grand que \(\mathbb{N}\), on pourrait associer à chaque entier naturel un nombre de [0,1], et parcourir ainsi tout l'ensemble [0,1], sans oublier aucun nombre ! \(\mathbb{N}\) pourrait donc se plonger dans [0,1] pour le remplir complètement, ce qui prouverait que [0,1] n'est pas plus gros que \(\mathbb{N}\).
Imaginons donc qu'à chaque entier naturel soit associé un nombre de [0,1] :
- 0 -> 0, 57 844 274…
- 1 -> 0,53615 615…
- 2 -> 0,47652 113…
Maintenant, nous allons construire un nombre entre 0 et 1 qui n'est associé à personne, et on aura comme ça une contradiction. Comment allons-nous faire ? Nous allons prendre le nombre dont le premier chiffre après la virgule n'est pas un 5, le deuxième pas un 3, le troisième pas un 6… il n'est donc pas associé à 0, ni à 1, ni à 2… Ce qui termine la preuve. La technique qu'on vient d'utiliser est appelée procédé diagonal de Cantor.
La théorie des infinis est très riche. Un autre problème a longtemps défié la communauté mathématique : existe-t-il un ensemble plus gros que \(\mathbb{N}\) et plus petit que [0,1] ? La réponse : on peut dire que oui ou que non sans, dans aucun des deux cas, se tromper ! (voir l'article Wikipédia hypothèse du continu pour en savoir plus)