Aujourd'hui chers lecteurs, rangez vos fouets, on ne va explorer ni temple perdu, ni cité mythique. Tout d'abord, parce que le « professeur » Henry Jones Jr. est à l'archéologie(1), ce que John McClane est à la police de proximité(2). Ensuite, parce que c'est à une branche particulière de l'archéologie qu'on va s'intéresser aujourd'hui : l'archéologie expérimentale.

J'anticipe déjà vos mines interloquées : comment peut-on « expérimenter » l'archéologie ? Non, il ne s'agit pas d'enterrer quelques vestiges et d'attendre des siècles avant de les déterrer à nouveau(3). L'archéologie expérimentale vise à tester la praticabilité des théories échafaudées par les archéologues quant aux mœurs et aux techniques du passé.

Prenons un exemple bien connu : comment ont été construites les grandes pyramides d'Égypte ? Il existe une myriade de théories plus ou moins crédibles : construction d'une rampe, engins de levage, pierres moulées(4)… Malheureusement il existe peu de preuves archéologiques pour favoriser une hypothèse plutôt qu'une autre et les égyptologues se battent depuis plus d'un siècle pour savoir qui a raison. Un mystère à jamais insoluble à moins d'inventer la machine à voyager dans le temps ?

Pas nécessairement, car vous vous doutez bien que le sujet de l'article d'aujourd'hui ne va rester les bras croisés tout du long. L'archéologie expérimentale permet de tester un certain nombre de ces hypothèses en réalisant des modèles concrets(5) ou des simulations numériques. En se retroussant les manches et en faisant des calculs, les égyptologues ont pu éliminer les hypothèses impossibles à mettre en pratique ou peu réalistes(6). D'un autre côté, l'expérimentation des techniques a généré de nouvelles questions, aboutissant à l'établissement de nouvelles hypothèses. Un cercle vicieux, mais c'est ainsi que progresse la science : pour chaque question à laquelle on répond, deux nouvelles questions émergent.

Je n'irai pas plus en détails dans cette science, sinon pour citer quelques autres exemples :

  • les techniques de taille des silex de la préhistoire,
  • les techniques d'allumage d'un feu,
  • l'industrie métallurgique de l'âge de bronze et de l'âge du fer,
  • le levage des menhirs et des dolmens,
  • la colonisation des îles du Pacifique par les océaniens à la préhistoire,
  • les techniques de construction d'un château fort,
  • le combat en armure,
  • la construction et l'utilisation des machines de siège…

Je pourrais continuer encore longtemps sans avoir fait le quart du tour du sujet et chaque exemple mériterait son propre omnilogisme… Bon, peut-être que si vous êtes sages, j'en écrirai un ou deux. Mais seulement parce que c'est vous !


  1. (1) Je vois déjà les fans me lancer des tomates. Calmez-vous, j'aime ce cher Indy autant que vous, mais ses aventures n'ont rien avoir avec le vrai travail d'archéologie. C'est comme dire que Mario est un bon représentant du métier de plombier…
  2. (2) Die Hard. Oui, on a les références culturelles qu'on peut.
  3. (3) Quoiqu'il y a eu des expériences en ce sens pour voir comment se dégradent des vestiges dans tel ou tel type de sols.
  4. (4) Rappelez-vous de cette polémique il y a quelques années, un chercheur avait proposé que les pyramides fussent construites en « fausse pierres », autrement dit en béton. Une hypothèse scandaleuse pour beaucoup…
  5. (5) Oui, les égyptologues se sont amusés à construire une pyramide… bon pas toute la pyramide quand même. Ils ont juste empilé quelques blocs pour vérifier si leur principe était valable.
  6. (6) Je reprends l'hypothèse des pierres moulées. Grâce à l'archéologie expérimentale, des égyptologues ont calculé que cette hypothèse était peu vraisemblable. Car la fabrication du ciment nécessaire à la préparation du béton est une industrie des plus gourmandes qui soient en énergie. La seule énergie disponible à cette époque était le bois et l'Égypte n'est pas réputée pour ses vastes forêts… L'importation de bois restait possible, mais les quantités nécessaires auraient coûté au pharaon bien plus que toute sa fortune !