La nébuleuse trifide (aussi appelée M20, mais c'est moins poétique).

Joli, n'est-ce pas ?
Cette image, de la nébuleuse trifide, située à quelques 5 200 années-lumière de la Terre (soit la bagatelle de 49 billiards de kilomètres), a été prise par le Gran Telescopio Canarias(1), le plus grand télescope optique au monde. En effet, il dispose d'un miroir d'un diamètre de 10,4 mètres, constitué en fait de 36 sections hexagonales d'environ 2 mètres chacune.

En effet, un miroir simple ne peut guère atteindre de tels diamètres ; les plus grands sont ceux du Large Binocular Telescope, avec un diamètre déjà impressionnant de 8,4 mètres.

Mais, mère-grand-télescope, qu'avez-vous donc un si grand diamètre

— Un lecteur fana du petit chaperon rouge

Eh bien(2), tout simplement pour avoir un meilleur pouvoir de résolution !

Késako ?

Mettons que l'on observe au télescope un objet lointain. Si deux points contigus de cet objet sont trop proches l'un de l'autre, ils ne pourront pas être observés séparément car l'image obtenue par le télescope ne sera pas assez détaillée(3).
Le pouvoir de résolution d'un télescope, qu'on note θ, est l'angle minimum qui sépare deux points d'un objet pour qu'ils puissent être observés distinctement l'un de l'autre par le télescope. En clair, plus le pouvoir de résolution est petit, plus on verra une image distinctement et avec des détails… Ou bien plus simplement, un objet situé plus loin !

Et pourquoi pas à venir un article qui expliquerait enfin cette forme en + qu'on donne aux étoiles !

Et on a la relation : θ\(=1,22*\frac{L}{D}\)(4). L, c'est la longueur d'onde de la lumière ; et D, c'est… le diamètre du télescope.

Et là, on se rend compte que plus le diamètre du télescope est grand, plus le pouvoir de résolution est petit, mieux c'est !

Oui. Oui mais, comme on l'a déjà dit, il y a un problème : les miroirs des télescopes sont limités en diamètre. Ils doivent en effet être parfaitement lisses et non déformés, mais plus ils sont grands, plus ils sont lourds, et plus ils se déforment sous leur propre poids(5)

Mais alors, comment faire pour voir plus loin ?

— Un lecteur inquiet

Réponse : on fait appel à l'interférométrie. Derrière ce nom un peu barbare se cache tout simplement un phénomène optique : les interférences.

On a déjà parlé un peu de ce phénomène ici, mais tâchons d'expliciter un peu plus.

D'ordinaire, lorsque deux ondes sont superposées, il ne se passe pas grand chose. Encore heureux, sinon il suffirait que deux personnes parlent en même temps pour que l'on ne comprenne plus rien(6). Mais non, en général les deux ondes se contentent de se propager, sans être aucunement dérangée par leur voisine.

Seulement, si les deux ondes ont des caractéristiques identiques (même nature, comme deux ondes lumineuses, mais aussi même fréquence), elles ne s'ignorent plus, et des phénomènes étranges se produisent : c'est l'interférence. Selon l'endroit, on peut alors s'apercevoir que les deux lumières superposées font, ici une lumière plus intense, et là… plus de lumière du tout(7) !

Mais, vous l'aurez noté, pour obtenir de tels phénomènes il faut deux ondes avec e-xa-cte-ment la même fréquence(8). Alors comment fait-on cela, deux ondes avec pile poil la même fréquence ? Eh bien le plus simple, c'est de prendre un faisceau de lumière assez large, et de le faire passer par deux trous de façon à obtenir… deux faisceaux de lumière. C'est d'ailleurs le principe des fentes d'Young :

La figure d'interférence étant observée sur un écran disposé convenablement : elle n'apparaît pas flottant dans l'air !

Et le plus intéressant dans tout ça, c'est que simplement à partir de la figure d'interférence, et des caractéristiques des fentes, on peut remonter aux caractéristiques de la source de la lumière (notamment sa forme, sa couleur, etc.) !

Euh… Est-ce qu'on ne se serait pas un peu éloignés du sujet, là ?

— Un lecteur dubitatif

Noooon…

Bon, un peu, mais c'était pour la bonne cause.

Par contre, maintenant, l'article se retrouve être trop long, et il nous reste encore une question : comment peut-on utiliser les interférences pour construire un télescope permettant de voir plus loin ?

Et maintenant il n'y a plus de place ! C'est malin, y'avait qu'à pas digresser sur les interférences !

— Un lecteur agacé

Certes, mais eh, c'est mon article, je fais ce que je veux !

Et pour la peine, vous n'aurez la réponse… qu'au prochain épisode !


  1. (1) Roulez les « r », svp.
  2. (2) C'est pour mieux te voir mon enfant !
  3. (3) Et également à cause d'un phénomène ondulatoire, la diffraction, dont nous ne parlerons pas dans cet article.
  4. (4) Avec θ en radians et L et D dans la même unité, souvent des nanomètres ou des mètres.
  5. (5) Et les miroirs composés de plusieurs petits miroirs permettent de dépasser les limites, mais pas tant que ça.
  6. (6) On va me dire que deux lumières colorées superposées, en font une troisième d'une autre couleur. Mais là c'est juste de l'additivité des couleurs, ça n'a rien à voir.
  7. (7) Vous n'allez pas me dire qu'ajouter deux lumières ensemble, pour au final obtenir une absence de lumière n'est pas étrange !
  8. (8) Avec des fréquences légèrement différentes, on obtient un autre phénomène, celui des battements.

Cet article vous a plu ? Courez lire la suite !