Salut à toi, lecteur toujours fidèle !
Salut à toi, lecteur occasionnel !
Salut à toi, lecteur qu'on dépucelle !
Grtxtfkgnii… je crois qu'on m'ensorcèle(1) !

Mon très cher lectorat, je suis confus. Il semblerait que mes salutations habituelles aient été troublées par un événement inopiné. Enfin, événement inopiné n'est pas à proprement parler l'expression adéquate. Disons que ma confusion – la première – a pour origine une entité binichonidée semi-piscicole à l'organe vocal surdéveloppé. La seconde confusion étant celle exprimée plus haut : celle de vous avoir spoliée du quadridécapodage liminaire si cher à vos cœurs.
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage » disait le poète. Il n'avait pas tort, croyez-moi ! Pour en avoir fait les frais, je puis attester que la seule vision de cette « personne » marque à jamais votre esprit de l'image de la perfection. Ô, Ulysse, bienheureux fus-tu d'entrevoir, surplombant l'écume tels des anges aquatiques avec, offerts à ton regard, en plus de leurs visages d'albâtre que l'artiste enfiévré cherche en vain à mettre sur le vélin, ces courbes si somptueuses que le plus pieux des moines se défroquerait à leur vue, des dizaines d'entre elles alors que je n'en eus qu'une.
Sirène, princesse ondine à la grâce de légende, toi qui fais passer la plus belle des femmes pour une lotte hideuse(2), laisse-moi t'enlacer et m'abandonner un instant dans ton giron tiède. Oh, oui, coquine, viens là…

Aaaaaah !

Ah !

Ah.

Je savais bien que j'aurais dû écouter les conseils, éthyliques certes, mais au final avisés de ces fiers géants des mers, ces mirmillons des flots, ces gladiateurs du ressac que mes péripéties portuaires m'ont fait rencontrer.
Ô toi, vieux pilier de bar, toi à la barbe rêche et au regard lointain, aux mèches blondes et revêches blanchies par les embruns(3), que ne t'ai-je écouté lorsqu'entre deux rots gras, tu me disais tremblant et chancelant :
« Mon gars ! (4) J'te dis, moi… hips… où t'es ?
— Derrière vous.
— Ah. J'te dis, c'est toutes des morues ! Tchu crois qu'tchu va n'avoir du… hips… du gouzi-gouzi, ben tintin, ouais ! Tu rent' dans ta cabine et tu chopes un tennis elbow au bout d'un mois ! »

Depuis des lampadaires, la sagesse des marins nous met en garde contre toutes ces choses qui nous semblent merveilleuses au premier abord et nous déçoivent au-delà du raisonnable au final. Ils le savaient, eux, ces indomptables cavaliers de l'écume et nous ont transmis leur savoir.
Car depuis que le premier navigateur en herbe s'est aventuré dans le domaine de Poséidon, ils ont enduré la soif, la faim et l'abstinence. Et sans coup férir, elles sont venues à eux, avec leurs divines courbes et leurs voix mélodieuses, leurs coquilles Saint-Jacques sur les tétons, promettant folles étreintes et volupté, pour finalement se foutre de la gueule des ces massacreurs de harengs au goujon frétillant en exhibant leur connerie d'appendice caudal !

Ah les salopes !

Bref, pour nous prévenir de ce danger émotionnel, ces courageux chevaucheurs d'hippocampes nous ont transmis une expression basée sur leur expérience et nous mettent en garde que tout ce qui apparaît comme incroyablement attirant et prometteur est à prendre avec précaution, car à l'instar des sirènes, il n'est pas exclu que ça « finisse en queue de poisson ».


  1. (1)
    — Holy Djizeuse Lord of Meurcy !
    — Ben qu'est-ce qui t'arrive ?
    — Du changement !
    — Quoi ‽
    — Je t'assure ! Regarde !
    — Mon Dieu !
    — C'est incroyable !
    — Je suis sur le cul. Tu penses que c'est dû à quoi ?
    — Je n'en sais rien, mais je vais rester pour suivre l'évolution.
    — Tu m'étonnes ! Bouge pas, je reviens… Au fait, Kirsch ou Schnaps ?
    — Les deux !

  2. (2) Bien que ceci ressemble à un pléonasme, ce n'en est pas un.
  3. (3) Lagile, même si tu sais manier l'art subtil de la rime, tu es loin de le maîtriser.
  4. (4) Rime grasse.