Avant de lire cet article, assurez-vous d'avoir lu l'épisode précédent !

Lors de votre précédente mission vous avez vaillamment affronté votre poissonnier et vous vous en êtes pas trop mal sorti. Maintenant de retour dans votre fief, vous pouvez savourer votre victoire et votre butin…

Hélas, dans votre empressement à fuir le poissonnier avec votre butin, je parie que vous n'avez pas pensé à lui demander d'ouvrir les bêtes pour vous, hein ? Vous allez donc devoir faire montre de vos talents pour le crochetage, car l'huître est une timide dans l'âme et elle n'ouvre pas sa porte à n'importe qui.

Mais avant de passer à l'assaut du mollusque fortifié, voyons d'abord comment se conservent les huîtres. Il faut les conserver au frais comme tout produit alimentaire, mais surtout pas en dessous de 0 ℃ (les huîtres ne se congèlent pas !) et impérativement à plat pour qu'elles ne perdent pas leur eau. Le frigo ou un rebord de fenêtre en hiver font parfaitement l'affaire. Vous pouvez les envelopper dans un linge humide pour qu'elles ne se dessèchent pas, avec éventuellement un poids pour les empêcher de « bâiller ».
La durée de conservation est très variable en fonction de leur provenance et de l'habitude des huîtres à survivre hors d'eau (effet des marées). Les huîtres méditerranéennes (marées très faibles) se conservent en général moins longtemps que les huîtres de l'Atlantique. Dans de bonnes conditions, les huîtres peuvent se conserver environ une semaine après leur conditionnement initial (voir date sur la bourriche), tant que celles-ci restent vivantes en fait. Demandez conseil à votre poissonnier, il est le mieux placé en la matière.

Voilà arrivé le moment tant redouté : il faut ouvrir les huîtres. Rangez-moi ce marteau et ce pied-de-biche, tout ce dont vous avez besoin, c'est un couteau à huître(1) et éventuellement un torchon pour ne pas vous salir (les huîtres rendent de l'eau à l'ouverture).

Le fameux couteau à huître. Vous savez, celui qui se coince toujours dans le tiroir à ustensiles de cuisine (crédit photo : Javier Lastras).

Pour les huîtres creuses. Si vous êtes droitier, prenez l'huître dans la main gauche, valve (la coquille) plate vers le haut, charnière vers vous. Ensuite, insérez en force la pointe du couteau(2) entre les deux valves sur le côté droit et vers l'avant. Faites glisser le couteau vers l'arrière jusqu'à avoir sectionné le muscle adducteur qui maintient les deux valves fermées, celles-ci doivent alors s'ouvrir sans résistance lorsque vous faites levier.
Si vous êtes gaucher, appelez un droitier(3) ! Une fois la valve plate relevée, raclez délicatement la chair qui est encore collée, puis enlevez cette valve pour ne garder que la valve creuse qui contient maintenant toute la chair et le jus(4).

Anatomie d'une huître creuse avec le muscle adducteur bien visible (crédit photo courpron. com).

Pour les huîtres plates. C'est un peu plus difficile car le muscle ne se trouve pas aussi près du bord. Il faut davantage enfoncer le couteau dans l'huître pour le trouver et le sectionner.

Enfin la bête est ouverte et est prête à être dégustée ! Mais au fait, comment s'y prend-on ? Les huîtres crues se consomment dans leur coquille en gobant la bête (encore vivante, mais plus pour longtemps…) dans son jus. On la mange nature, avec un zeste de citron ou avec un filet de vinaigre. Les plus aventureux ajouteront des épices ou des herbes, mais ne chargez pas trop, c'est une huître, pas un kebab. Ce plat d'huîtres s'accompagnera merveilleusement d'un vin blanc sec, d'un champagne ou d'un cidre brut.
Enfin, en ce qui concerne les huîtres cuites, un aventurier tel que vous n'aura aucun mal à trouver moult recettes sur Internet(5).

Vous voilà fin prêt à recevoir vos invités pour festoyer. Au cours de la dégustation vous pourrez les épater en leur expliquant cette histoire qui dit qu'on ne consomme les huîtres que les mois en R (ou en BRE, suivant les versions). En fait cette histoire n'a plus lieu d'être aujourd'hui. Deux raisons justifiaient cet adage : une historique et une gastronomique.

  • L'historique : au milieu du XIXe siècle, on récoltait encore essentiellement les huîtres « sauvages »(6). Les huîtres étant de plus en plus prisées, la ressource naturelle menaçait de se tarir. Pour empêcher cela, Napoléon III prit le décret (du 4 juillet 1853) d'interdire la récolte des huîtres de mai à août, saison de reproduction des huîtres(7). D'où l'histoire des mois en R.
  • La gastronomique : l'été étant leur saison de reproduction, les huîtres deviennent laiteuses. Certains gourmets prétendent que la qualité gustative des huîtres en est amoindrie, mais d'autres s'insurgent contre cette affirmation. Peu importe qui a raison, vous pouvez de toute façon consommer des huîtres les mois sans R. Dans le précédent article on a vu qu'avec les huîtres triploïdes stériles, ce problème ne se pose même pas.

Il ne me reste qu'à vous souhaiter bon appétit !


  1. (1) Vous n'avez pas de couteau à huître ‽ Qu'est-ce que j'ai dit dans l'article précédent à propos de ne pas partir à l'aventure sans le matériel adéquat, hein ? Bon, eh bien vous pouvez aussi utiliser un couteau à lame fine à condition de faire très attention, les urgentistes aimeraient bien passer noël tranquilles eux aussi.
  2. (2) Ne me dites pas que vous alliez essayer avec le manche quand même ‽ Car ce serait l'échec critique !
  3. (3) Je plaisante. Prenez l'huître dans la main droite, charnière vers l'avant et sectionnez le muscle qui se trouve sur le côté gauche en faisant aller la lame du couteau d'arrière en avant cette fois.
  4. (4) Jus qu'il ne faut surtout pas jeter si ces huîtres sont destinées à être consommées crues ! D'où l'importance de conserver les huîtres à plat.
  5. (5) Pour éventuellement nous les faire partager sur Omnilogie…
  6. (6) L'ostréiculture n'était pas encore bien développée, la plupart des huîtres récoltées provenaient de leur milieu naturel.
  7. (7) Ce ne sont donc pas les institutions européennes qui ont inventé les quotas de pêches, lesquels ne sont donc pas faits juste pour embêter les pêcheurs.