Alexandre le Grand, l'homme qui a conquis le monde… N'a-t-il pas fait rêver des milliers d'hommes, la tête pleine de rêves de grandeur et d'exploits ?

Traditionnellement, on attribue à Alexandre mourant cette phrase :

Il n'y a plus de mondes à conquérir.

En fait, Alexandre a bien dit cela, mais pendant les conquêtes de son père Philippe, se plaignant que celui-ci ne lui laissait plus rien à conquérir ! John Calvin va même plus loin : et apprenant qu'il n'y avait pas d'autres mondes, il pleura de n'en avoir pas encore conquis un seul.

Mais retournons à nos moutons et au décès dudit Alexandre. Quel dernier apophtegme a donc bien pu laisser l'homme ? On trouve dans la « sagesse » urbaine une petite histoire qui se veut morale(1), mais il faut chercher plus loin et plus récent pour trouver une alternative crédible. Regardons donc l'épique œuvre de Barr Stringfellow, Le masque de Jupiter : une histoire de la civilisation grecquo-romaine de la mort d'Alexandre à celle de Constantin.
Interrogé par ses généraux pour savoir qui lui succéderait, Alexandre (sans descendance officielle) répond dans un souffle « le plus fort ! ».
Voilà qui pose un tyran ! Après lui, le déluge… la parole est belle, l'acte magnifique, la dérision notable.
Oui mais voilà… Et si c'était faux ? Après tout, « le plus grand », cela se dit κράτιστος, kratistos, « le plus grand », « le plus noble », « le meilleur ». Tout va bien… mais l'homme mourant n'aurait-il pas plutôt prononcé Krateros, le nom d'un de ses généraux ? Lequel était justement absent, laissant toutes les opportunités nécessaires pour que les autres généraux puissent se déchirer entre eux.

Quelle douce ironie… Cratère (le nom francisé de Krateros) se voit ainsi spolié du plus grand empire qui ait jamais existé !
L'empire ainsi créé ne pourra que se morceler… parce que dans son souffle, Alexandre n'a pas été assez clair. Celui qui se prétendait Dieu incapable d'émettre un seul mot… La leçon d'humilité est probablement présente dans cette histoire-là aussi.


  1. (1) Alexandre demanda « que [son] cercueil soit transporté à bras d'homme par les meilleurs médecins de l'époque, que les trésors [qu'il a] acquis (argent, or, pierres précieuses…) soient dispersés tout le long du chemin jusqu'à [sa] tombe, et que [ses] mains restent à l'air libre se balançant en dehors du cercueil à la vue de tous », afin que « les médecins comprennent que face à la mort, ils n'ont pas le pouvoir de guérir, que tous puissent voir que les biens matériels ici acquis, restent ici-bas, et que les gens puissent voir que les mains vides nous arrivons dans ce monde et les mains vides nous en repartons quand s'épuise pour nous le trésor le plus précieux de tous : le temps ».