Albert Leo Albert Schlageter (1894-1923) est né dans une famille très catholique et a longtemps envisagé la prêtrise. On dira peut-être que Hitler aussi, mais ce dernier s'est davantage éloigné des idéaux et valeurs que cela suppose – sans les renier formellement ni être excommunié du reste.

Schlageter, engagé comme soldat dans la Première Guerre mondiale, la finit comme lieutenant. Il s'engage ensuite dans les Corps Francs et y accomplissant diverses missions, en participant notamment à la conquête de Riga en mai 1919.

Au début de 1923, les armées française et belge occupent la Ruhr pour contraindre l'Allemagne à mieux s'acquitter des terribles obligations du traité de Versailles, alors que son économie est en miettes. Schlageter s'y rend pour s'opposer à ce qu'il considère comme un pillage, à un moment où la population allemande vit très largement dans la misère. Ses actions les plus spectaculaires consistent à organiser des sabotages sur les ponts ou dans les gares pour empêcher l'expédition de charbon vers la France. Le 7 avril, à la suite d'une probable trahison au sein de son groupe, il est arrêté puis jugé. Il est condamné à mort et exécuté le 26 mai de la même année. Son dénonciateur supposé est abattu peu après par Rudolf Höss, qui deviendra plus tard le premier directeur et organisateur du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.

Le NSDAP le considère d'entrée de jeu comme un martyr et tente de le présenter comme un des siens. Sa famille proteste qu'il n'appartenait à aucun parti, qu'il n'a agi que pour l'Allemagne et son peuple. Le fait est qu'à part son nom (ou un homonyme ?) sur une liste du parti, on ne trouve rien de probant quant à cette appartenance. On n'insistera pas, mais on fera comme si.

Quand le parti monte en puissance et plus encore quand il arrive au pouvoir en 1933, le nom de Schlageter est donné à deux groupes de la SA, puis à des voies publiques, à des escadrilles de la Luftwaffe, à un navire, à des écoles, etc. Une centaine de monuments lui sont consacrés, dont une vingtaine encore debout aujourd'hui. Pourquoi pas ? Il n'est pas qu'un martyr du nazisme.

Le plus significatif est une pièce de théâtre, Schlageter, de Hanns Johst. C'est là qu'apparaît pour la première fois une phrase qu'on attribuera plus tard à Josef Goebbels, à d'autres dignitaires nazis, ou au général nationaliste espagnol Milan Astray :

Wenn ich Kultur höre… entsichere ich meinen Browning ! (1)

— Schlageter, acte 1, scène 1

Cette réplique n'est pas dite par le personnage-titre mais, tout de même, par un de ses camarades. Il n'empêche que le vrai Albert Leo Schlageter n'aurait probablement pas aimé…


  1. (1) Quand j'entends le mot « culture », j'arme mon browning !