Quand le pape crée le Brésil (Naissance de l'Amérique Latine – 1)
Comment le Brésil a-t-il été créé ?
Nous voici en l'an de grâce mil quatre cent quatre-vingt-quatorze, soit deux saintes années après la découverte du Nouveau Monde par ce cher Christophe(1).
Ces vastes terres que l'on ne désigne pas encore comme l'Amérique (attendons pour cela les voyages d'Amerigo Vespucci) regorgent de richesses qui font la cupidité des Occidentaux.
L'Espagne et le Portugal sont à l'époque les deux seules puissances capables de se lancer dans la colonisation sérieuse de ces contrées inconnues. Et pour cause : l'Espagne est la plus grande puissance européenne, et le Portugal a une sérieuse expérience de la circumnavigation autour de l'Afrique.
Les tensions commencent déjà à grimper entre ces deux colonisateurs en puissance, alors que le Nouveau Monde n'est même pas exploré. Pour désamorcer cette crispation, le pape Alexandre VI(2) décide de séparer la planète en deux.
Et vlan ! Selon un méridien bien précis, le monde est scindé. À l'ouest de ce méridien, l'Espagne sera maîtresse, à l'est, le Portugal régnera. Le premier découpage était selon les Portugais trop à l'est, et ils négocièrent pour le déplacer à quelque distance encore. Les Espagnols opinèrent, pensant que de toute manière, tout ce qui n'était pas encore connu sous le nom d'Amérique leur reviendrait.
En effet, les terres n'étaient pas encore connues, et les explorations s'étaient surtout faites dans les Caraïbes et vers le Mexique. Qui aurait pu imaginer que le Brésil formait en réalité une excroissance qui débordait ce méridien ?
Les mauvaises langues affirment que les Portugais auraient en réalité découvert le Brésil quelque temps avant la date officielle de 1500. Ils s'étaient en effet assuré la route par le cap de Bonne Espérance, et avaient compris qu'il était contre-productif de faire tout le golfe de Guinée, en passant par le Pot au Noir(3). Ils coupaient à travers l'Atlantique pour conserver les vents, ce qui permettait de traverser au grand large avec suffisamment de vitesse acquise.
L'une de ces expéditions serait allée trop loin vers l'ouest dans sa traversée, et les vents l'auraient conduite sur les rivages brésiliens. Trop contents de leur affaire, sachant qu'ils étaient les seuls au courant, les Portugais ont gardé le secret, et ont gémi pour négocier un petit décalage. Décalage qui, vous en conviendrez, était plutôt confortable (voir la carte).
Allez savoir si cette version des faits est réelle. Le mystère reste entier.
C'est ainsi que le Portugal a gagné ce morceau de terrain gigantesque qui allait devenir l'empire du Brésil.
Et qu'en est-il de nos pays que sont la France et les autres puissances coloniales ? Elles ont protesté, bien entendu. Et le protestantisme qui est né quelque temps après a donné une bonne raison à ces pays d'ignorer les injonctions papales, et de partir elles aussi à la conquête de l'Amérique.