Leopold von Sacher-Masoch est un journaliste et écrivain autrichien, issu de Galicie, une province polonaise de la future grande Autriche-Hongrie à venir(1).

Leopold von Sacher-Masoch

À partir de 1856, Leopold von Sacher-Masoch enseigne à l'université de Graz, en Autriche, et commence à écrire des ouvrages historiques(2), puis des romans, dont en 1869 La femme séparée, qui est inspiré de sa vie intime et qui a reçu un vif succès.

Cette même année, il rencontre Fanny Pistor, et s'engage à exécuter tous ses ordres et désirs pendant six mois. Ils partent où on ne les connaît pas, en Italie, pour accomplir cet engagement. Mais Leopold finira par rentrer seul en Autriche pour écrire la version finale de son œuvre majeure : La Venus à la fourrure.

La Venus à la fourrure raconte la transformation d'une relation amoureuse en la signature et l'exécution d'un contrat d'esclavagisme librement consentie, d'un homme, Séverin von Kusiemski, envers une femme, Wanda von Dunajew. La seule condition écrite pour Wanda est de se montrer aussi souvent que possible en fourrure, surtout lorsqu'elle sera cruelle.

Von Sacher-Masoch passera le reste de sa vie à essayer d'accomplir son fantasme, principalement avec Aurora Rümelin, avec qui il se mariera en 1873 et signera un contrat d'une durée de 10 ans :

Je m'oblige, sur ma parole d'honneur, à être l'esclave de Mme Wanda von Dunajew(3), tout à fait comme elle le demande, et à me soumettre sans résistance à tout ce qu'elle m'imposera

— Leopold von Sacher-Masoch

Il ne parviendra cependant pas à trouver l'homme, « le Grec » du roman, avec lequel Wanda le cocufierait et le ferait battre. Aurora finira par le quitter en 1882 pour un journaliste du Figaro.

Il écrira de nombreux autres contes et nouvelles historiques et folkloriques, notamment sous la forme des recueils du Legs de Caïn inachevés, et rencontrera un succès important à travers toute l'Europe. Il recevra la Légion d'honneur en 1886 et décédera en 1895 en Allemagne.

La plupart de ses romans ont aussi pour héroïne une femme d'expérience, dominatrice voire sadique, signe de l'obsession que représentait pour lui cette association de beauté et puissance. La partenaire idéale est celle qui saura se montrer cruelle et voluptueuse au plus fort de la tension érotique. La fourrure notamment était pour lui le symbole de ces femmes, à l'image des tsarines par exemple.

Vous l'avez sûrement déjà deviné Leopold von Sacher-Masoch a laissé son nom à l'histoire sous la forme du masochisme. Ce n'est toutefois pas lui qui l'a créé, mais le psychiatre allemand Richard von Kraft-Ebing, en 1886 dans Psychopatia Sexualis. Von Sacher-Masoch s'est même battu contre cette utilisation de son nom pour caractériser une « perversion sexuelle ».

Son œuvre fut alors considérée comme dégénérée, tomba dans l'oubli et fut même condamnée sous l'Allemagne nazie. Il fallut attendre les années soixante et une préface du philosophe Gilles Deleuze accompagnant la republication de la Venus à la fourrure pour qu'on redécouvre cet auteur à l'imagination florissante.

Je terminerais en citant la préface de Christine Letailleur de l'adaptation pour le théâtre de la Venus à la fourrure, qui m'a personnellement ouvert à un autre aspect du masochisme :

Si le héros masochiste emprunte les chemins de la souffrance pour accéder au plaisir, se complaît dans un rapport de soumission, d'abaissement, et recherche la main punitive, il fait également preuve de force – d'une force invisible, souterraine et obstinée qui le pousse à amener l'autre dans ses contrées fictives, dans la logique de ses fantasmes…

— Christine Letailleur

  1. (1) L'Autriche-Hongrie est fondée en 1867.
  2. (2) Comme L'insurrection de Gand sous l'empereur Charles Quint.
  3. (3) Il appelle désormais Aurora Rümelin ainsi, comme le personnage féminin de la Venus à la fourrure.