Au temps de la machine à vapeur, en France, les belles locomotives avaient toutes un nom précis(1), et les belles électriques qui ont suivi ont reçu elles aussi un nom particulier. Nous allons déchiffrer ces noms. En voiture, Simone !

Les locomotives à vapeur comportaient des roues motrices mues par la vapeur – par l'intermédiaire des bielles – mais aussi des roues non motrices à l'avant ou à l'arrière et parfois les deux.
Il est clair que les roues vont par deux ! On va donc compter les essieux(2)(3) :

Pacific 231 : la 231 G 558 du dépôt de Sotteville-lès-Rouen

La célèbre Pacific 231 – conçue pour la vitesse – possédait donc un boggie(4) de 2 essieux porteurs à l'avant pour s'inscrire dans les courbes, 3 essieux moteurs et 1 dernier essieu porteur à l'arrière pour répartir le poids sur toute la longueur de la machine, d'où son nom !
Pourquoi Pacific ? Un nom qui titille l'imagination(5), comme la Mikado, nom d'origine aux USA de la future 141 R.

Mikado 141 R : La 141 R 420 du dépôt de Clermont-Ferrand

Une Mikado 141 R(6) possède donc 1 essieu porteur sur le bissel(7) avant, 4 essieux moteurs et 1 essieu porteur à l'arrière. Une 240 possède 2 essieux porteurs sur le boggie avant et 4 essieux moteurs.

Facile, non ?

Concernant les locomotives électriques, le système est un peu le même, mais le nombre d'essieux des roues motrices est codé par une lettre : A pour un seul essieu moteur, B pour 2 essieux moteurs (couplés au même moteur).

2D2 : la 2D2 9108

Donc la 2D2 possède un boggie de 2 essieux d'un côté, 4 essieux moteurs au milieu et, de nouveau, un boggie de 2 essieux de l'autre côté. La BB possède 2 moteurs qui entraînent chacun 2 essieux moteurs.

Quels records ? En leur temps, record du monde de distance parcourue : la 2D2 9102 en 1954 pour 51 657 km ; records de vitesse : CC 7121 en 1954 avec 243 km/h ; CC 7107 et BB 9004 en 1955 avec 331 km/h.

Chaque locomotive recevait donc un nom correspondant à sa configuration, une lettre de série et un matricule qui la rendait unique.

230 G 353 décorée pour son arrivée triomphale lors d'un train spécial

La 230 G 353 est restée longtemps conservée et utilisée pour des trains spéciaux organisés par des ferrovipathes convaincus ou pour des films bien évidemment(8) ! La 141 R 1187 (au fioul) a été restaurée et conservée au musée de Mulhouse, ainsi qu'une autre, la 141 R 420, (au charbon) pour des voyages au charme d'antan, comme la 231 G 558 qui a pris le relais de la 230 G 353.


  1. (1) Ces noms remontent à la constitution de la SNCF, auparavant, chaque compagnie avait une codification propre.
  2. (2) Un essieu est l'ensemble des deux roues reliées par un axe. On ne change pas une roue dans le monde du rail, on change l'essieu, c'est plus sûr !
  3. (3) Attention, en Amérique, on compte les roues : la Big Boy nommée 4884, locomotive articulée 2 essieux porteurs, 4 essieux moteurs, 4 autres essieux moteurs et 2 essieux porteurs, sans être la plus grosse, ni la plus longue, fut le meilleur compromis taille/poids/puissance/vitesse/fiabilité.
  4. (4) Boggie ou bogie : chariot articulé par rapport à la machine comportant un ou plusieurs essieux, donnant plus de souplesse pour s'inscrire dans les virages. Une courbe de voie ferrée reste tout de même de plus grand rayon que la route.
  5. (5) Et qui a inspiré un poème symphonique au musicien Arthur Honegger, mais aussi un court métrage, un groupe de musique expérimentale et un chanteur !
  6. (6) Une machine moins rapide, mais puissante. Ces machines fabriquées en Amérique livrées pour la France d'après-guerre… dont 17 sombrèrent en mer en 1947.
  7. (7) Un boggie à un seul essieu.
  8. (8) Monsieur Klein, Le Train, Vipère au poing, Le Crime de l'Orient-Express et bien d'autres.