Qu'est-ce qui distingue l'homme de la bête ? Si actuellement, les plus grands scientifiques (et philosophes(1)) continuent de se poser la question, au Moyen Âge le problème était tout tranché : c'était les fesses rondes, seules différences entre l'humain civilisé et la bête sauvage.

Admirez maintenant le magnifique sophisme : les bêtes n'ont pas de fesses rondes, le Diable est une bête, donc le Diable n'a pas de fesses rondes. Admettons ; après tout, cela rassure les populations superstitieuses, qui peuvent ainsi se convaincre que le démon ne peut pas prendre une forme humaine parfaite, puisqu'il est incapable d'imiter le rebondi de notre arrière-train. Encore mieux ! C'est le seul détail anatomique que le diable n'arrive pas à reproduire ; et il paraitrait même que cela l'énerve énormément. Au point qu'il est contraint de détourner le regard lorsqu'il voit la perfection de notre fessier.

N'importe quoi ? Ne riez pas trop. À l'époque, c'était un excellent moyen de se protéger du Malin, abondamment utilisé. Montrer ses fesses n'avait alors aucune connotation vulgaire ou libertine !

Vous ne me croyez pas ? Regardez pourtant les statues qui ornent les églises. Il n'est pas rare d'y voir ce genre de scènes :

Crédit image : Michel CORBOZ

Plus souvent encore, on peut voir des statues callipyges(2), fesses dirigées vers l'entrée du lieu saint.

Luther raconte qu'il employait souvent ce mooning – les Anglais ayant eu la bonne idée de créer un mot pour cette action, je leur vole le temps d'un article afin de subir les foudres de tous les francos-chauvins qui traînent sur Omnilogie et ne pourront s'empêcher de me faire remarquer mon anglicisme –, bref Luther lui-même moonait – roh, et en plus je conjugue à la française ! – lorsque le démon le tourmentait.

Et maintenant alors ? L'acte de montrer ses fesses a gagné en puissance ; puisqu'il fait fuir tout le monde. De là à en déduire que tout le monde est diabolique, il n'y a qu'un pas – mais je laisserai aux philosophes le soin de s'aventurer dans ce terrain miné et stérile(3).


  1. (1) Il est intéressant de noter que les philosophes ont été de toutes les questions inutiles et sans réponses, et ce depuis les Grecs. Les premiers trolls, en quelque sorte : poser une question sans réponse, et donner des éléments faisant croire au lecteur que l'on en sait plus que ce que l'on dit. Ne reste plus qu'à entourer d'un zeste d'ésotérisme, et paf ! Vous avez un gourou.
  2. (2) En me relisant, je trouvais cet article un peu plat – alors j'en profite pour vous faire apprendre un mot. Callipyge donc, qui a de belles fesses. Si vous n'étiez toujours pas satisfait du quota culture de cet article, apprenez aussi ithyphallique – toujours utile pour décrire une statue.
  3. (3) Et ça, c'est un zeugma.