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Après l'expédition de Francis Leopold McClintock, les recherches s'arrêtèrent petit à petit, puisque l'espoir de retrouver Franklin ou ses hommes vivants semblait s'estomper. Néanmoins, l'américain Charles Francis Hall organisa deux expéditions entre 1860 et 1869. Vivant parmi les Inuits, tout d'abord sur l'île de Baffin, puis à Repulse Bay, il ne retrouva aucun membre de l'expédition Franklin parmi les Inuits, contrairement à ses espérances. Il trouva toutefois sur l'île Beechey des camps et des tombes, ainsi que plusieurs artefacts.
Son rapport conclut à la mort de Franklin, mais Hall estima qu'un cairn de pierres pouvait avoir été érigé, contenant le rapport de l'expédition, ou au moins, des éléments indiquant le destin exact de l'expédition Franklin. Avec l'aide de ses guides et amis Ebierbing et Tookoolito, il réalise l'enregistrement de centaines de témoignages d'Inuits. Parmi ceux-ci, les Inuits détaillent la visite des navires (qui ne furent jamais retrouvés auparavant) et la rencontre avec un groupe d'hommes blancs affamés.

Charles Francis Hall.
Charles Francis Hall.

Après la mort de Hall en 1871, un autre homme fut poussé à mener une expédition pour retrouver celle de Franklin. Le lieutenant Frederick Schwatka de l'armée américaine organisa ainsi une expédition sur l'île Beechey entre 1878 et 1880, dans l'espoir de retrouver de précieux documents sur le destin de l'expédition de Franklin. Voyageant depuis la baie d'Hudosn sur la goélette Eothen, il rassembla des marins expérimentés et les Inuits ayant aidé Charles Francis Hall.
Allant au delà de la rivière Back, Schwatka ne trouva aucun artefact de l'expédition, et ne trouva pas sur les lieux visités par les précédentes expéditions les précieux documents qu'il attendait. Toutefois, il s'agit d'une prouesse inouïe à l'époque, avec 4 360 kilomètres effectués en traîneau.
La tentative de Schwatka pour retrouver l'expédition Franklin sera la dernière pendant les cent années qui s'écouleront.

Les cinq tombes de l'île Beechey. Il s'agit des trois tombes de l'expédition Franklin, auquel s'ajoute un homme d'une expédition de recherche (Thomas Morgan) et un inconnu.
Les cinq tombes de l'île Beechey. Il s'agit des trois tombes de l'expédition Franklin, auquel s'ajoute un homme d'une expédition de recherche (Thomas Morgan) et un inconnu.

Owen Beattie, professeur d'anthropologie de l'Université d'Alberta, relance les recherches sur l'expédition Franklin en juin 1981, avec le 1845–48 Franklin Expedition Forensic Anthropology Project. Elle vise à établir le parcours exact de l'expédition et les causes de la mort de l'équipage avec des méthodes modernes. L'équipe se rend sur l'île du Roi-Guillaume et découvre des restes humains, ainsi que divers artefacts. À l'examen, il se révèle que non seulement les hommes souffraient de saturnisme(1) et d'une carence en vitamine C, provoquant ainsi le scorbut.
Au vu des témoignages rapportés lors des expéditions de recherche, il semble concorder que les affirmations de l'époque sur la comestibilité des conserves étaient rigoureusement exactes. À cause du travail fait dans la précipitation, les soudures au plomb des conserves avaient coulés à l'intérieur des conserves, les rendant immangeables(2). Les rares qui semblaient être comestibles contenaient un taux de plomb très élevé, ce qui intoxiquait le consommateur à coup sûr. Il semble également que les systèmes de désalinisation, fabriqué à partir de moteurs de locomotives, aient crées une eau douce extrêmement polluée par le plomb.
Enfin, les scientifiques trouvèrent les marques caractéristiques d'un dépeçage, confirmant l'hypothèse de l'utilisation du cannibalisme par certains membres de l'expédition.

Photographie du corps de John Torrington.
Photographie du corps de John Torrington.

Toutefois, pour trouver la cause exacte de la mort des hommes de Franklin, Owen Beattie décide d'excaver les corps des trois marins et de pratiquer une autopsie. Si les tombes de John Torrington et de William Braine était intactes, le cercueil de John Hartnell avait été endommagé par l'une des premières expéditions de sauvetage. L'enterrement de Braine indiquait toutefois une certaine précipitation : le cercueil était visiblement trop petit, le corps mal disposé et l'un de ses sous-vêtements mis à l'envers.
À l'examen, il s'avéra que les hommes enterrés étaient sûrement morts d'une pneumonie, voire avaient été touchés par la tuberculose, comme le suggérait le mal de Pott découvert sur Braine(3).

Après les importantes découvertes de Beattie, on rechercha à plusieurs reprises les épaves en utilisant des magnétomètres(4) et des sonars, sans succès toutefois, et ce malgré la participation de la Marine canadienne dans certaines de ces expéditions. Néanmoins, on retrouva au cours de ces recherches le HMS Investigator le 25 juillet 2010, navire de l'Amirauté parti à la recherche de Franklin et abandonné dans les glaces en 1853.

Aujourd'hui, il semble que la perte de l'expédition soit due à un ensemble de circonstances. Tout d'abord, les deux années où l'expédition hiverna, la glace ne fondit pas à l'été et emprisonna les bateaux. Aucunement équipés et préparés à une expédition terrestre, les hommes auraient affrontés la faim, le froid, la tuberculose, le scorbut et le saturnisme avant de mourir un à un, sans pouvoir adopter les techniques de survie inuits ou demander de l'aide à ces derniers(5).

Statue de Sir John Franklin à Londres.
Statue de Sir John Franklin à Londres.

Après la disparition de l'expédition Franklin, l'idée de l'existence d'un passage du Nord-Ouest fut abandonné et l'Amirauté britannique n'organisa plus aucune expédition de ce genre. Roald Amundsen prouva lors de l'expédition Gjøa que, s'il était extrêmement difficile de passer par ce passage, le passage existait.
Si Franklin fut si connu, ce fut sans doute parce que longtemps, les explorateurs se raccrochèrent à l'espoir de retrouver vivant des membres de l'expédition. Lorsqu'on découvrit le sinistre destin de l'expédition, nombre de sculptures à l'effigie de Franklin, ou celles de ses hommes, fleurirent à travers le Royaume-Uni.
Franklin était alors devenu un héros et son expédition passa dans la postériorité.


  1. (1) Les hommes de Franklin avaient un taux de plomb dans les os dix fois plus élevés qu'en moyenne pour les Inuits de la zone.
  2. (2) Les conserves étaient ainsi soit à l'air libre, ruinant la conservation, soit mélangée au plomb et absolument immangeables.
  3. (3) Le mal de Pott est l'infection souvent mortelle, due au bacille de la tuberculose, d'un disque intervertébral.
  4. (4) Un magnétomètre permet de connaître la magnétisation d'un lieu ou d'un objet. Un bateau caché sous la glace créerait une perturbation suffisamment notable pour être retrouvé.
  5. (5) Il semble notamment que personne ne parlait de façon convenable l'inuit dans l'expédition, ce qui expliquerait le récit de la rencontre entre Inuits et survivants affamés de l'expédition Franklin.