Mais d'où vient l'expression Timeo Danaos et dona ferentes, qui, certes, ne franchit pas tous les jours la barrière des dents de celui qui ne veut pas être considéré comme un imbuvable cuistre mais que l'on peut encore parfois entendre dans la bouche d'un journaliste ou d'un homme politique en mal de respectabilité ?

En fait, il s'agit d'une citation partielle d'un vers de Virgile (Enéide, II, 49) où Laocoon, grand prêtre d'Apollon, conseille aux Troyens de ne pas faire entrer à l'intérieur de leur ville le magnifique cheval de bois que les Grecs ont déposé en guise de cadeau devant leurs murailles (et qui abrite naturellement un détachement de leurs plus vaillants guerriers, armés jusqu'aux dents). Avertissement dont on sait qu'il restera lettre morte, provoquant la lamentable déroute des Troyens.

La traduction littérale du vers est la suivante : « Je crains les Danaéens [c'est-à-dire les Grecs] même quand ils apportent des cadeaux(1) ». L'expression est restée proverbiale parce qu'elle évoque de manière frappante et juste l'idée selon laquelle il faut toujours se méfier de ses ennemis, tout particulièrement lorsqu'ils font mine de pratiquer la politique de la main tendue.

Il faut d'ailleurs préciser, à cette occasion, que l'anecdote du cheval de Troie, bien avant Virgile, nous est rapportée par Homère au Chant IV et surtout VIII de l'Odyssée, où Ulysse (instigateur de la ruse et membre de l'équipe embarquée dans le cheval) raconte le siège de Troie au roi des Phéaciens.

Dans la série des cadeaux calamiteux que les hommes n'auraient dû accepter sous aucun prétexte, l'aimable misogynie des mythographes antiques (en l'occurrence, Hésiode(2), à peu près contemporain d'Homère) nous a également gratifiés de la charmante histoire de Pandore.

Zeus cherchait à se venger de Prométhée qui, en dérobant aux dieux le feu pour l'offrir aux hommes, a doté ces derniers d'un avantage non négligeable sur le reste de la création. Son idée : demander à Héphaïstos, l'artisan génial, de créer la femme (dont on doit apparemment comprendre qu'elle n'existait pas auparavant), offrir cette Pandore (c'est son nom) à Épiméthée, le frère un peu attardé de Prométhée, et laisser le maléfice agir. De fait, à peine arrivée chez Épiméthée, Pandore ne parvient pas à réfréner sa curiosité, ouvre la boîte qu'il ne fallait ouvrir sous aucun prétexte et répand sur les hommes un déluge de calamités (maladie, famine, misère…) irréversibles.

Entre le cheval de Troie et la boîte de Pandore, la guerre des hommes et la guerre des sexes, la différence est finalement ténue et chacun appréciera, dans les deux cas, la gravité des dommages collatéraux !


  1. (1) Pour les gens qui s'intéressent à la grammaire latine, ce vers présente la particularité intéressante d'un emploi de et non pas dans son sens conjonctif traditionnel mais dans son acception adverbiale de etiam, soit  “même”  (emploi bien répertorié dans les grammaires mais dont les occurrences dans les textes classiques ne sont pas si courantes).
  2. (2) Hésiode, Les Travaux et les Jours, v. 42-105 (mythe de Prométhée et Pandore)