La prison, il faut savoir y entrer.

Le choc carcéral est une notion employée pour expliquer le taux de suicides important en prison, notamment à l'incarcération. Le choc carcéral est vécu notamment entre les premières 24 h et la première semaine complète vécue entre quatre murs sans avoir la possibilité de décider de l'ouverture de la porte.

Ce choc est constitué par l'entrée dans un milieu inconnu, avec des personnes inconnues, qui jugent et provoquent les nouveaux arrivants dans le but d'imposer leur pouvoir, d'asseoir leur autorité.
Ainsi, dans de nombreux témoignages, les détenus relatent les combats auxquels ils sont obligés de participer s'ils ne veulent pas démontrer leur faiblesse et subir la violence des autres.
La saleté et le manque d'hygiène (rats, insectes, moisissures, odeurs de renfermé et de nourriture) sont insupportables pour tous les arrivants, qui, le plus souvent, ont vécu dans un logement ayant un minimum d'entretien, largement supérieur à celui qu'ils doivent supporter en prison.
Le manque d'intimité (toilettes et douches communes, sans séparation parfois)vient renforcer l'idée que le détenu est contraint tant dans liberté d'action que dans son expression, ne pouvant s'en plaindre.
Une chose est surprenante pour quiconque met un pied dans un établissement pénitentiaire : le bruit est constant et provient aussi bien des détenus qui crient que des portes en fer qui claquent, ou encore des matraques qui frappent les barreaux des cellules afin de vérifier que ceux-ci ne soient pas sciés.

Un détenu m'a dit également que le manque de lumière et d'air (pas renouvelé car les fenêtres ne sont pas très grandes ou ne permettent pas une ouverture complète) est extrêmement perturbant au quotidien.
De même, le fait de devenir un numéro d'écrou et ne plus être appelé par son nom par le personnel pénitentiaire donne l'impression aux détenus de n'être que des objets, rendant encore plus frappante l'inhumanité du lieu.

De plus, avec le temps, les détenus subissent la perte de leur cheveux et de leurs dents, la vue décline, des maux de dos se font sentir…

Alors, que ce soit les premiers jours ou au moment d'apprendre le verdict du procès, le suicide est très fréquemment utilisé comme porte de secours.
Certes, pour la prévention des suicides, on enferme les personnes suspectées de passer à l'acte sans drap ni couverture, seules entre deux matelas pour se réchauffer. On lui enlève ses lacets, son rasoir… Que lui reste-t-il ? Pas grand chose pour se suicider, sauf tout ce qui pourrait améliorer ses conditions de vie. Et on prévoit de donner des calmants contre tous les maux, que cela soit psychologiques ou physiques, en quantité considérable, rendant les détenus inertes, de vrais zombies parfois…

Mais qu'en est-il pour les agressions quotidiennes vécues par les détenus ? Entre celles provenant des codétenus plus forts ou celles de certains membres du personnel pénitentiaire, le détenu arrivant doit faire sa place. Alors, certains choisissent de s'automutiler, d'ingérer des produits toxiques, de s'amputer un orteil ou un doigt, de se suicider…

Tout ça pour vous montrer qu'il est facile d'entrer en prison… D'y survivre, moins. D'en ressortir indemne, c'est de l'ordre du miracle.