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Après s'être enquis du sort du pauvre Fugu et autres pieuvres à anneaux bleus, montons dans la machine à voyager dans le temps et l'espace pour aterrir au Ve siècle avant notre ère, à Athènes.

Dans cette ville de l'ouverture d'esprit, des progrès de la démocratie, un homme cependant dérange par sa philosophie. Il s'agit bien sûr de Socrate. Il est condamné par la ville à boire la cigüe. Même si la recette exacte du breuvage que l'on a fait boire à Socrate s'est perdue au fil des siècles, on sait tout de même qu'il était composé de… cigüe.

En effet la grande cigüe, ou Conium maculatum pour les botanistes, est une herbe à fleurs blanches, à l'odeur d'urine de souris. 6 à 8 g de feuilles suffisent à tuer un homme.

La fleur de cigüe

Regardons de plus près les effets de ce poison sur Socrate, tels que racontés par Platon : une perte de la sensibilité et un refroidissement qui part des pieds pour monter jusqu'au buste, ce que l'on appelle aujourd'hui une paralysie ascendante. Socrate s'est endormi sereinement pour ne plus jamais se réveiller.

Or, sur les cas contemporains d'empoisonnement à la plante pure, on observe plutôt des troubles digestifs, puis des spasmes violents, une paralysie, mais c'est une insuffisance rénale qui conduit au coma et la mort. C'est pourquoi l'on ignore la recette exacte du poison grec : on suppose qu'il contenait aussi de l'opium pour apaiser les spasmes.

Le principal poison à l'origine de cette horreur est la coniine, qui à très faible dose sert à soigner certains problèmes respiratoires(1).

Je vous avais annoncé deux victimes, et bien voici la deuxième, moins connue : Mithridate VI du Pont au IIe siècle avant J.C.
La légende veut que, étant en guerre contre les Romains, pour se protéger d'une tentative d'empoisonnement, il aurait pris des doses croissantes de cigüe afin d'y habituer son organisme(2). Mais vaincu par Pompée, voulant se suicider pour ne pas finir prisonnier, la légende dit qu'il essaya de s'empoisonner en vain pour finir poignardé par un soldat romain.


  1. (1) Tout est poison, rien n'est poison, seule la dose fait le poison. (Paracelse)
  2. (2) D'où le verbe « mythridatiser ». C'est d'ailleurs ainsi que l'on fabrique les sérums antipoison : on injecte à un cheval des doses croissantes de poison puis l'on extrait de son sang les anticorps produits pour lutter contre le poison.

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