Vous : Au fait, Marc, tu as des nouvelles de Thibault ?
Marc : Eh bien, tu sais sans doute qu'il a fait 5/2. Il est vraiment déçu d'avoir manqué l'X, mais il compte bien se rattraper cette année ; en tant que 5/2, il se doit de majorer les 3/2 ! Et puis, il se console en se disant qu'il va pouvoir intégrer les bizuths… Ça, c'est un taupin comme on aime les voir.
Vous :  ?

Si vous n'avez rien compris à ce que dit Marc, pas de souci, c'est simplement que vous n'avez pas fait de CPGE. En effet, les préparationnaires (car tel est leur nom) ont développé un langage bien à eux, parfois proche de celui des autres étudiants, mais toujours riche en K, H et autres accents circonflexes. Petit tour d'ensemble.

En premier lieu, prenez garde à différentier le type de préparationnaire auquel vous parlez(1) :

  • Les taupins, qui cherchent à intégrer les Grandes Écoles d'Ingénieur. La taupe (à laquelle appartiennent tous les taupins) est l'équivalent de l'ancienne maths sup-maths spé. Pourquoi taupins ? Parce qu'ils travaillent, travaillent, et sortent rarement de leur tanière pour voir la lumière du jour, comme une taupe.
  • Les épiciers, ou HEC, qui cherchent à intégrer les écoles de commerce (d'où leur surnom de HEC). Pourquoi épiciers ? Parce qu'ils suivent des études de commerce, tout simplement.
  • Les hypokhâgneux (khâgneux pour les seconde années), qui font des études de lettres ; ils cherchent principalement à intégrer l'École Normale Supérieure. Section Lettres, évidemment. Pourquoi Khâgneux ? Ce surnom vient de cagneux, quelqu'un dont les jambes sont tournées vers l'intérieur. Quelqu'un de tordu, en quelque sorte. Selon la légende, ce surnom leur a été donné par les taupins.

Ensuite, une leçon de vocabulaire s'impose.

  • Bizuth : Utilisé dans de nombreux autres cadres que la prépa, le bizuth est le nouveau de première année, admis dans l'univers des prépas après un weekend d'intégration, qui a remplacé le bizutage – puisque celui-ci est interdit par la loi –, où il a appris les règles élémentaires(2).
  • 3/2, 5/2, khârré et khûbe : Un 3/2 (lire trois demies) est un taupin qui entame sa seconde année ; un 5/2 (cinq demies) est un taupin qui redouble sa seconde année pour obtenir de meilleures places aux concours. Certains poussent même jusqu'à faire 7/2(3). De même, un khârré est un HEC ou un khâgneux de seconde année, et un khûbe a redoublé sa seconde année.
  • Khôlle : interrogation orale de 30 minutes à une heure, à la matière variable selon la filière (dans le but de préparer aux oraux des concours), aux notes rarement mirobolantes.
  • X : point d'interprétation pornographique ici, l'X désigne le Graal des taupins, j'ai nommé l'École Polytechnique.
  • Major, majorer, minor, minorer : lors des DS, l'élève qui arrive premier au classement est appelé major, et le dernier est appelé minor. De même, le fait d'être major s'appelle « majorer », et celui d'être minor « minorer ».
  • MP*, PSI* et autres classes étoilées : dans les prépas scientifiques, les spé (seconde années) ont le choix entre plusieurs sections ; en fonction de leur niveau, ils rejoindront ou non la classe * de cette section, où le niveau sera nettement plus poussé en vue d'intégrer des écoles plus prestigieuses(4).
  • Z : le Z est le délégué de classe. Le VZ est quant à lui le sous-délégué.
  • Khâllot : pratiqué dans quelques prépas, le khâllot est au préparationnaire ce que la faluche est à l'élève de fac. Cette coiffe est portée avec respect et dévouement, et est ornée de nombreux insignes aux significations diverses et variées.

Bien sûr, cette liste n'est en aucun cas exhaustive, car les prépas cultivent leur originalité : certains vous parleront de kingsize, tandis que d'autres ne jureront que par leur Prez…

Cependant, avec tout cela, vous êtes maintenant en mesure de répondre à Marc.

Marc : [… ] Ça, c'est un taupin comme on aime les voir.
Vous : Effectivement ! Mais qu'il ne s'inquiète pas trop, khûber est commun ; et j'imagine que cela lui a permis de passer en étoile ? Si je n'avais qu'un conseil à lui donner, ce serait de réviser ses khôlles assidûment. Ah, et aussi qu'il devienne Z : une telle expérience ne peut être qu'un avantage formidable !


  1. (1) Car il existe, disons, de légers différends entre les filières. Quel est le taupin qui vient de gueuler « HEC enculé » ?
  2. (2) Alors, bizuth, tu n'acclames pas tes 5/2 ? Allez, mets-toi par terre, et fais-moi 10 pompes ! 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 9, 9, 9, 9, 9, 2, 3…
  3. (3) L'origine de ces surnoms ? Originellement, 3/2 vient des taupins qui ont intégré l'X entre leur première et leur seconde année, car \(\int_{1}^{2}{x dx}= \frac{3}{2}\). De même, un 5/2 intégrait l'X entre sa seconde et troisième année, car \(\int_{2}^{3}{x dx}= \frac{5}{2}\). Comme quoi, en taupe, on a le sens de l'humour.
  4. (4) Une blague là-dessus dit que, de même que \(\mathbb{R}^*\) désigne l'ensemble des réels ôté de l'élément nul, les classes étoiles désignent les classes ôtées des éléments nuls. Un humour à toute épreuve.