C'est noël… Oui, je sais qu'on est en octobre, mais pour les besoins de l'article il est demandé au lecteur (ou lectrice) de faire un peu de role-play. Donc c'est noël et vous vous apprêtez à recevoir toute votre belle famille pour le réveillon. C'est la première fois et vous avez décidé de mettre les petits plats dans les grands pour les impressionner : saumon fumé, truffes, foie gras, caviar et bien sûr une belle douzaine d'huîtres.

Seulement voilà, les huîtres ce n'est pas votre rayon et vous voilà bien bête devant celui du poissonnier au moment de commander les fameux coquillages. Celui-ci commence à vous embrouiller avec des histoires de calibres, de provenance, d'affinage, d'espèces et j'en passe. Faites diversion auprès de votre adversaire en prétendant recevoir un coup de fil, puis profitez des fonctionnalités internet(1) de votre téléphone pour (re)lire cet omnilogisme qui vous apprend tout ce qu'il faut savoir sur comment choisir vos huîtres.

Commençons par les espèces : vous avez le choix entre l'huître creuse ou huître japonaise (Crassostrea gigas) et l'huître plate (Ostrea edulis). L'huître creuse représente 98 % de la production française actuelle, c'est donc probablement cette espèce que vous trouverez chez votre poissonnier. L'huître plate est plus arrondie que la creuse. Elle était récoltée sur les côtes française depuis l'antiquité jusqu'à ce que plusieurs épizooties ne déciment les stocks au cours du XXe siècle. Sa production continue mais elle est devenue beaucoup plus rare, car remplacée par l'huître creuse dans la plupart des fermes ostréicoles depuis 1970.

Une huître creuse (crédit photo : David Monniaux).

Une huître plate (crédit photo : Jan Johan ter Poorten).

Il existe aussi l'huître dite « de Quatre saisons » ou « huître triploïde ». Ce n'est pas une espèce à part, il s'agit d'une huître creuse dotée de trois jeux de chromosomes au lieu de la paire réglementaire. Fruit des recherches(2) de l'Institut public français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), cette variété est stérile. Elle n'est donc pas laiteuse en été (période de reproduction de l'huître) et peux être consommée toute l'année pour la joie des gourmets.

Le calibre détermine le poids et la taille de l'huître. Pour les huîtres creuses, un calibre de 5 correspond aux huîtres les plus petites (30-45 g), et un calibre de 0 aux huîtres au-delà de 150 g. Pour les huîtres plates le calibre n'est pas standardisé, cela peut varier d'un ostréiculteur à un autre. Néanmoins, il suit la même règle que pour l'huître creuse : plus le calibre est petit, plus l'huître est grosse.

Les différents calibres d'huîtres creuses (crédit photo : http : //www. cooking2000. com).

L'affinage(3) : fine, spéciale, pousse et verte de claire. Après récolte, les huîtres peuvent être affinées au moins un mois en « claires ». Les claires sont des bassins qui contiennent un mélange d'eau de mer et d'eau douce, ceci pour affermir la chair et développer le goût des huîtres(4). Fine, spéciale et pousse déterminent le temps passé en claire, plus une huître passe de temps en claire, plus elle sera « pleine » : sa chair sera plus abondante et plus ferme. L'appellation fine de claire correspond à au moins un mois passé en claire, spéciale de claire correspond à au moins deux mois et pousse en claire correspond à au moins quatre mois. L'appellation verte de claire est particulière, elle correspond à des huîtres affinées en claires où était présente une algue appelée « la navicule bleue ». Cette algue donne à la chair de l'huître une couleur verte ainsi qu'un goût délicat caractéristique.

La provenance : de Cancale, de Bretagne, de Bouzigues, d'Arcachon, de Vendée, de Normandie, etc. On trouve des fermes ostréicoles sur presque toute la côte française, aussi bien en Méditerranée qu'en Atlantique. Chaque localité possède ses spécificités et il est tout à fait impossible de toutes les décrire ici. Voici tout de même quelques généralités :

  • Les huîtres de Normandie (Cotentin, Saint-Vaast, Isigny sur Mer…) sont réputées pour leur caractère, c'est-à-dire très iodées et riches en saveurs.
  • Les huîtres de Bretagne (Paimpol, Cancale, Tréguier…) sont réputées riches en arômes. C'est également de Bretagne que proviennent la plupart des huîtres plates encore produites dont la célèbre Belon de Cancale.
  • Les huîtres des Pays de la Loire (Vendée) et de Poitou-Charentes (« Fine de Claire ») sont réputées pour leur affinage en claires. Leur goût est équilibré et plaira en particulier à ceux qui n'aiment pas trop l'iode.
  • Les huîtres d'Aquitaine (Arcachon) sont réputées pour leur chair fine et iodée.
  • Les huîtres de Méditerranée (Thau, Bouzigues…) sont fermes avec un goût prononcé.

Voilà, vous avez réussi la première partie de votre mission : acheter des huîtres sans passer pour une tanche auprès de votre poissonnier. Votre prochaine mission, si vous l'acceptez, est de préparer et de déguster ces mollusques.


  1. (1) Si vous n'avez pas de portable 3G, eh bien tant pis, vous passerez pour une tanche auprès du poissonnier. On n'a pas idée de se lancer à l'aventure sans être convenablement équipé.
  2. (2) Attention ne croyez pas tout ce qu'on lit dans les journaux, l'huître triploïde n'est pas un organisme génétiquement modifié (OGM). Ses gènes sont exactement les mêmes que ceux d'une huître diploïde normale, seul le nombre de ses chromosomes est différent.
  3. (3) Je vous vois venir : non, on ne les stocke pas à la cave pendant quelques années comme pour le vin.
  4. (4) Et parfois atténuer un goût iodé trop prononcé que certains gourmets n'aiment pas.

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