La tourte voyageuse ou pigeon migrateur(1), savamment appelé Ectopistes migratorius, était un pigeon propre à l'Amérique, nichant dans le sud-est du Canada et le nord-est des États-Unis.

Tourte voyageuse
La tourte voyageuse était plus petite que le pigeon biset, avec des ailes et une queue plus pointues, ainsi qu'un corps plus gracieux. Elle possédait un bec de couleur noire et des pattes rouges, ainsi qu'un ventre blanc, un poitrail rouge-orangé et des parties supérieures d'un gris bleuâtre.

Cette espèce est surtout connue pour ses vols impressionnants rassemblant plusieurs milliers de volatiles… Qui étaient capables de cacher le Soleil ! L'ornithologue américain Jean-Jacques Audubon décrit dans les années 1830 un de ces vols :

Le ciel était littéralement rempli de pigeons, la lumière de midi était obscurcie comme par une éclipse ; les fientes pleuvaient comme des flocons de neige fondante. Les pigeons continuèrent à passer en nombres toujours aussi importants durant trois jours consécutifs.

— Jean-Jacques Audubon, Les Oiseaux d'Amérique

On estime que rien que dans les états du Kentucky, de l'Indiana et de l'Ohio, on trouvait près de trois milliards d'individus.

Malheureusement, la tourte voyageuse était particulièrement nuisible pour les agriculteurs(2) qui détruisaient le plus souvent les colonies par le feu.
De plus, elle fut l'objet de gigantesques concours de chasse, où jusqu'à 30 000 oiseaux pouvaient être tués pour remporter le prix de la compétition.
La naissance du transcontinental donna un coup fatal à l'espèce. En effet, les exploitants des chemins ferroviaires virent une manne providentielle dans l'oiseau et en tuèrent de gigantesque groupes pour approvisionner les villes de la côté Ouest.
De plus, ces oiseaux souffraient particulièrement de leur mode de déplacement ; il suffisait en effet de diriger son fusil vers le ciel et de tirer pour abattre d'un coup une dizaine de volatiles. On sait également qu'ils avaient besoin d'être nombreux pour repérer leur nourriture(3), car les glandées et fanées étaient très dispersées. Aussi, la reproduction de masse n'était possible qu'en grandes colonies chez cet oiseau, ce qui joua en sa défaveur.
Ces facteurs, ajoutés à la déforestation et à une probable épizootie virulente de la maladie de Newcastle eurent raison de l'oiseau.
Le déclin de l'espèce devient apparent au début des années 1860, où on voyait que quelques groupes laissaient passer la lumière lors de leurs voyages. 1878 a d'ailleurs été la dernière année où la chasse du pigeon migrateur fut bonne. À la fin du siècle, plus aucun spécimen ne fut observé dans la nature.

Malgré tout, la tourte voyageuse fut l'un des premiers oiseaux qu'on tenta de préserver aux États-Unis. Les zoos se rendirent vite compte que leurs espoirs n'étaient pas fondés : l'oiseau avait besoin d'être en liberté, ne s'alimentant que peu et ne s'accouplant plus.
Le 1er septembre, à une heure du matin, meurt au zoo de Cincinati la dernière représentante de l'espèce, Martha. Ironie du sort, les derniers représentants de la perruche de Caroline(4) mourront dans ce même zoo, quelques années plus tard.

Le pigeon migrateur est devenu le triste symbole d'un homme capable de détruire une espèce composée de milliards d'individus, mais qui tenta également dans ces derniers heures de la sauver.


  1. (1) À ne pas confondre avec le pigeon voyageur, qui est quant à lui un simple pigeon biset (ou pigeon commun) dressé.
  2. (2) Par exemple en 1871 dans le Wisconsin, une zone de près de 2 200 kilomètres carrés (un septième de l'État) fut complètement dévastée par une concentration d'une centaine de millions de tourtes voyageuses qui nichaient dans la zone.
  3. (3) Bien que comme tout les membres de sa famille, le pigeon migrateur possédait une excellente vision.
  4. (4) Il s'agissait du seul oiseau de ce type aux États-Unis, dont la disparition est tristement similaire à celle du pigeon migrateur.