Aujourd'hui, si vous le voulez bien – et même si vous ne le voulez pas, d'ailleurs –, parlons travail. Oui, vous savez bien, l'activité bizarre où l'on se doit de demander à ses neurones un surplus d'activité… Ce qui fatigue très rapidement, n'est-ce pas ? Au final, ne serait-ce pas une bonne idée que d'attendre demain pour s'y mettre ? Après tout, n'a-t-on pas oublié d'appeler Tonton Robert ou grand-mère Catherine, qui sont évidemment plus importants que le devoir-rapport-impôts-[insérer quelque chose de pénible], non ?
Charlotte vous l'a expliqué, cette capacité de faire tout – ou rien, cela varie selon les espèces – pour éviter une tâche qui rebute s'appelle la procrastination. « Est-ce grave ? », me demandez-vous, soudain inquiet de vous découvrir une maladie non imaginaire(1) probablement incurable.
Rien de redoutable, ni de fâcheux, ni même de grave ! Rassurez-vous, je vous explique d'où cela pourrait venir – comme souvent, plusieurs explications, parfois croisées – et, parce que vous m'êtes sympathique, quelques astuces pouvant vous aider dans la vie quotidienne. Non, ne me remerciez pas, c'est tout naturel(2) ! (3)

Tout d'abord, voyons les raisons pouvant expliquer cette capacité formidable qu'est la remise au lendemain. Évidemment, je reste loin de l'exhaustivité, mais vous êtes bon prince – ou bonne princesse ! – et ne m'en voudrez donc pas.
Dans les causes purement physiques, on parle de liens avec le trouble du déficit de l'attention, dus à un cortex pré-frontal(4) un peu défaillant. Je vous vois tiquer légèrement… Prenons un exemple : lorsque votre fidèle animal se comporte d'une manière que vous jugez agréable – il rapporte le journal, vos pantoufles, les enfants de l'école(5) –, vous avez tendance à le féliciter pour qu'il intègre le comportement. L'être humain, plutôt que d'attendre la tape amicale sur la tête de la part d'un autre pour le féliciter, a inventé un moyen nettement plus sympathique et efficace pour se débrouiller seul : la dopamine(6). Je vous vois froncer les sourcils et penser tout haut que je vous mène en bateau(7). Et admirez donc soudain mon art de faire un lien : si votre cortex pré-frontral est abîmé, il y a des chances que cette récompense ne vous apparaisse pas à sa juste valeur. Et alors, pourquoi se fatiguer à faire une tâche qui, au final, n'apporte que peu de satisfaction ?

Mais il n'y a pas que le physique dans la vie, il y a aussi le mental ! Eh oui, la procrastination peut être liée à une peur de l'échec. Parfaitement, vous m'avez bien entendue : pourquoi fournir un effort pour quelque chose qui ne réussira pas, hein ? Avouez que ce serait idiot, or, vous ne l'êtes pas ! Conclusion : vous remettez éternellement à plus tard, jusqu'à devoir faire en catastrophe votre [insérer un élément de la liste du début qui a une échéance inférieure à douze heures], ne pas l'avoir fait au mieux de vos capacités et, au final, constater que c'est bel et bien raté.
Mais souvent, et cela peut s'allier à la raison précédente, c'est l'envie d'atteindre la perfection qui nous fait repousser au lendemain. « Surprenant ! », dites-vous ? Pas tant que ça, en réalité. Voici une scène de la vie quotidienne(8) : vous souhaitez commencer une nouvelle activité, de préférence peu maîtrisée, mettons l'écriture afin de renforcer un peu mon exemple. Vous attrapez un cahier et un stylo, ou bien votre ordinateur, avant de vous dire que vous n'avez jamais rédigé plus qu'un écrit d'invention du temps où vous étiez au lycée, et que non, faire son C.V. n'est pas un exercice d'écriture digne de ce nom – encore que… Et là, c'est le drame : vous vous rendez compte que pour écrire, il est bien de disposer d'un espace de travail adapté, comme un bureau. Hélas ! Il semble que la dernière fois que vous avez vu sa véritable couleur, vous étiez justement en train de rédiger ce fameux texte pour votre professeur de français. Décidément, il est temps que vous fassiez un peu de ménage, rangiez le linge plié dans la commode, enleviez les papiers… Vous vous rendez compte, si vous avez suffisamment de courage, que ranger est une activité longue, mais gratifiante. Vous vous remettez donc devant votre feuille ou votre écran… L'espace de cinq secondes. Et puis, vous vous dites que ce serait bien de relire Proust, Dickens, Maupassant, Flaubert… Et puis, faire des fautes ne semble pas très professionnel, n'est-ce pas ? Il est donc temps de s'atteler à la lecture du Grevisse, du dictionnaire de l'Académie française, etc. En l'espace de dix minutes, vous venez de vous donner du travail pour environ huit vies. Forcément, vous êtes calmé, et décidez d'attendre un peu avant de vous y mettre…

Mais laissons là les causes – non exhaustives –, et parlons brièvement de ce qui peut réussir à vous remettre au travail.

  • Si vous êtes un membre acharné du travail parfait, techniquement, il n'y a rien de difficile, puis qu'il s'agira de baisser vos objectifs, et d'admettre qu'il faudra produire quelque chose d'« imparfait ». En pratique, tout se complique ! Si vous avez une bonne âme compatissante prête à vous servir de relecteur, fixez une date avant la date officielle pour qu'il corrige et note ce qui peut être amélioré. C'est bête, voire évident dit ainsi, mais cela vous tiendra au travail et permettra d'avoir une certaine qualité, puisque relu par un œil neuf. Notez que, si vos amis vous apprécient suffisamment – ou que le virement bancaire que vous leur faites chaque mois est suffisant ! –, vous pouvez aussi les tenir au courant de l'avancement de vos travaux et ils serviront à vous remettre au boulot si vous faiblissez. Au pire, songez à leur offrir un fouet(9) !
  • Se couper du monde. Trouvez une grotte dans un endroit perdu, sans Internet, sans réseau téléphonique, avec un ours pour servir de fauteuil et de radiateur, ainsi que l'électricité volée sans gêne au terrier voisin. Ou, plus simplement, arrêtez tout ce qui peut vous distraire : courriels, téléphone portable, famille… Libre à vous de trouver ce qui vous sort de votre concentration, et de l'éliminer sans aucun remord. Il s'agit de vous, que diable !
  • Dans le même genre, faire une liste de ce que vous avez à faire peut servir à voir où vous allez(10). Et, si vous êtes motivé, tentez l'agenda, qui révolutionne votre vie, pour peu que vous le suiviez un minimum. Fixez-vous des plages de travail réalistes – non, généralement, se donner quatre heures de révisions d'un coup vous donnera plutôt envie de stopper au bout d'une demi-heure ! –, et vous verrez que votre tendance à procrastiner diminuera.
  • Pour finir, peut-être le plus important à faire : ne pas rester désorganisé. Certes, cela rejoint le point précédent, mais vous constaterez que c'est en travaillant régulièrement, avec des horaires clairs, que l'on est le plus performant et que l'on a le moins tendance à ne rien faire.

Au point où nous en sommes, vous estimez, et moi aussi d'ailleurs, qu'il serait temps de conclure, n'est-ce pas ? Oui, mais, faire une bonne conclusion nécessite du temps, de l'inspiration, du talent… Je la ferai… mais un autre jour !


  1. (1) Le poumon, le poumon vous dis-je ! , pour reprendre les classiques.
  2. (2) En revanche, la consultation est toujours à vingt-trois euros, et vous serez prié de ne pas oublier de signer votre chèque !
  3. (3) Assurément, je viens bel et bien de battre le record de l'introduction à un omnilogisme la plus longue de l'histoire. Champagne !
  4. (4) Manière très classe pour désigner la partie la plus en avant du cerveau, qui, contrairement à ce que son nom indique, se trouve… en face du front !
  5. (5) Je vous conseille, à ce stade de l'article, de relire Peter Pan.
  6. (6) Aux médecins me faisant l'honneur de me lire, pitié, ne me crucifiez pas pour ne pas mentionner les nombreux autres rôles qu'a cette molécule !
  7. (7) Preuve que Meecky n'est pas le seul à maîtriser l'art subtil de la rime.
  8. (8) Félicitations à celui ou celle qui aura reconnu le Donjon de Naheulbeuk et sa publicité pour le shampooing Loreliane.
  9. (9) Comment croyez-vous qu'on nous force à écrire de nouveaux omnilogismes ‽
  10. (10) Attention, une carte vous aide à la même chose, mais je ne garantis pas son efficacité quant à l'amélioration de votre tendance procrastinatrice !