Comme vous le savez déjà en tant qu'omnilogistes, une combustion a lieu lorsque trois éléments sont réunis : c'est le triangle du feu.

Et pour ce qui m'intéresse, autant dire qu'il faut simplement des trucs qui brûlent et une quantité minimale d'énergie, ou encore de chaleur. Au moment même où on met en présence les éléments avec la quantité suffisante de chaleur, la combustion s'entame créant du même coup suffisamment d'énergie pour entretenir la combustion(1) voire l'emballer(2) avec le reste des produits disponibles. Cela étant dit, ce qui distingue la combustion spontanée de la combustion normale, c'est que dans le cas de la combustion spontanée, la combustion n'est pas initiée par une flamme.

Simplifions en prenant l'exemple d'une boulette de papier journal. Sa température de combustion est d'environ 230 ℃. Lorsqu'on approche une allumette enflammée (qui est bien plus chaude que 230 ℃), la température du papier s'élève jusqu'à ce qu'il puisse s'enflammer : c'est la combustion normale. Maintenant, si vous mettez votre papier sous le grill à fond, il va s'enflammer tout seul : on a ici une combustion spontanée. Ainsi, en suivant strictement la définition, la plupart des incendies électriques, l'explosion dans un moteur ou même simplement l'allumage de l'allumette sont des combustions spontanées. Voici pour la théorie. En pratique, on parle surtout de combustion spontanée pour les incendies qui se déclarent sans aucune raison visible. C'est-à-dire quand la chaleur est apportée sournoisement et lentement par une vicieuse réaction de fermentation. C'est ainsi que surviennent les incendies dans les entrepôts contenant du foin humide, du tissu imbibé d'huile(3) ou des filtres à air chargés de résidus de peinture. Eh oui, il faut faire gaffe à ce qu'on entasse !

Trêve de bavardages, maintenant que je vous ai tenu la jambe avec ce sujet vraiment très intéressant, passons au véritable cœur du problème : la combution humaine spontanée.

Torche humaine.

Là on tient un sujet qui décoiffe ! La combustion humaine spontanée est utilisée comme explication dans les cas avérés où l'on a retrouvé des corps calcinés(4) sans trace d'incendie(5) et sans intervention extérieure(6). Autant dire que ces cas font un malheur chez les amateurs de paranormal. Alors pour reprendre une formulation chère à la presse : la combustion humaine spontanée, mythe ou réalité ?

Eh bien pour être honnête, de trop nombreux cas de combustion spontanée humaine sont rapportés pour qu'il soit possible de les ignorer. Le plus vieux que j'ai trouvé est le cas du chevalier Polonus Vorstius qui aurait pris feu spontanément au XVIe siècle. En 1725 aussi, on trouve le cas de Mme. Millet dont les restes calcinés sont retrouvés dans la cuisine. Son mari n'échappe que de peu à l'accusation d'homicide en faisant accepter en appel la thèse de la combustion spontanée. De nombreux cas sont rapportés par la suite, et même plus récemment comme en 1977 dans le bourg d'Uruffe où une mère de famille n'a laissé guère plus que ses jambes en dehors de la cendre.

Restes d'une combustion spontanée.

De la plupart des cas, on peut faire ressortir plusieurs points communs. Le phénomène semble plus sensible au cas de femmes alcooliques qui se reposent à proximité d'un feu. Il laisse plus facilement intactes les extrémités du corps et la période de combustion possible (entre la dernière apparition publique et la découverte du corps) est généralement assez longue. Ces caractéristiques deviennent les hypothèses de l'explication privilégiée de la combustion humaine spontanée par effet de mèche.

En l'occurrence, cette théorie s'attaque au caractère « spontané » de la combustion. L'idée, c'est que le corps est allumé par une cigarette ou un feu à proximité immédiate et se consume ensuite très lentement, comme une bougie, via les vêtements et les graisses du corps. L'alcoolisme, dans l'affaire, a tendance à favoriser la présence de couches graisseuses dans le corps de la victime. L'alcool explique aussi le coma qui empêcherait la victime de réagir efficacement à sa situation(7). La théorie a de plus été démontrée possible expérimentalement : en 1965, le spécialiste en médecine légale M. Gee allume l'extrémité d'un dispositif composé de graisse humaine, de peau et de vêtement et observe qu'il se consume entièrement. Une autre expérience filmée et présentée sur la chaîne Discovery Channel montre la combustion complète d'une carcasse de porc(8) au milieu de fournitures d'appartement classique sans que l'incendie ne se propage. Cette explication correspond assez bien avec une partie des cas recensés.

Malheureusement, cette théorie convient bien à une partie des cas mais pas tous. En 2010, l'enquête sur la mort suspecte d'un certain Faherty ne trouve aucun élément déclencheur de l'incendie et conclut à un authentique cas de combustion humaine spontanée (le premier officiel selon la BBC). Il y avait pourtant bien un feu à proximité mais les circonstances ne sont pas claires quant au rejet de cette possibilité par l'enquête. Plus récent en 2013, et encore plus fort, l'histoire de Rahul. C'est le cas d'un bambin indien qui se serait enflammé spontanément 4 fois depuis sa naissance. Heureusement pour lui, cela n'est pas encore allé jusqu'au tas de cendre. D'autres cas étranges se retrouvent chez deux jeunes filles qui s'enflamment au milieu de dizaines de témoins respectivement en 1938 dans une salle de bal et en 1980 dans une discothèque. Comme quoi, une explication unique ne semble pas suffisante.

On peut citer aussi d'autres arguments dont les détracteurs de la théorie de la mèche ne manquent d'ailleurs pas. L'un d'eux est la chaleur extrême qu'il faudrait pour réduire même les os en cendre. 1 400 ℃ sont parfois évoqués mais cela semble déraisonnable(9). Pour ma part, je suis allé regarder du côté des texte légaux encadrant la crémation des corps et j'y ai vu que le dispositif est censé permettre la combustion du corps à moins de 900 ℃ en moins de 90 minutes. La combustion complète des os est souvent pointée du doigt en comparaison avec les crématoriums qui doivent broyer les restes pour les mélanger à la cendre. On trouve aussi souvent l'évocation de la quantité d'eau dans le corps qui compliquerait bien la tâche si cette eau était uniformément répartie. On peut également citer les autres théories qui existent comme un court-circuit des champs électriques humain, l'alignement de ceux de la Terre, une réaction en chaîne au niveau atomique ou encore une accumulation des gaz produits par le corps.

Néanmoins une seule chose est sûr, c'est qu'on n'est sûr de rien dans cette affaire. Même si l'explication par effet de mèche est ma préférée, il est nécessaire d'en trouver d'autres pour prendre en compte l'ensemble des cas (Suicide indétectable ? Vengeance divine ? Crime parfait ? Explosion en chaîne des mitochondries ?). Mais peut-être avez-vous vous-même une petite idée ?


  1. (1) Ce qui est pratique pour réaliser un feu de camp.
  2. (2) Ce qui est pratique pour réaliser une bombe.
  3. (3) D'après Spontaneous combustion, un bidon de chiffons imbibés d'huile de lin s'enflamme en moins de 10 heures !
  4. (4) Parfois très profondément calcinés, du genre un beau tas de cendre.
  5. (5) Toutes les affaires autour sont préservées. On retrouve tout au plus un peu de suie et quelques planches brûlées.
  6. (6) Par exemple quand la victime est enfermée seule chez elle et n'avait aucune intention de se suicider.
  7. (7) Remarquez comme l'alcool n'est pas utilisé comme explication pour son caractère inflammable. Et heureusement d'ailleurs, car il est communément admis qu'une concentration mortelle d'alcool dans le sang est encore près de 10 fois trop faible pour espérer la moindre ignition.
  8. (8) Le porc présente une quantité et répartition de graisse similaire à l'homme.
  9. (9) Il faut pas trop pousser quand même. La lave en fusion n'est qu'entre 500 et 1 200 ℃. Oui, ce qui sort d'un fichu volcan en éruption ne dépasse même pas les 2 000 ℃ ! Et sans parler de la surface du soleil qui reste sous les 6 000 ℃.