Peut-être avez-vous déjà reçu, il y a quelques années de cela, un étrange mail, qui disait, avec quelques variantes :

Sleon une édtue de l'uvinertisé de Cmabrigde, l'odrre des ltteers dnas un mot n'a pas d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire sioent à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlblème. C'est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot.

Surprenant, non ? Presque aucun mot ci-dessus n'existe, et pruotnat, vous pouvez le lire sans problème(1). Mais le plus surprenant dans cette histoire, c'est que… ce mail est un canular.

Canular, oui, parce que l'université de Cambridge, mentionnée dans le texte, n'a effectué aucune étude de ce genre. De plus, il existe des limites au phénomène.
Tout d'abord, une presque mjaortié des mots qui composent le texte possèdent trois lettres ou moins, ce qui diminue le nombre de « mots mutés ». Ensuite, on remarque qu'en général, ce sont de simples inversions de lettres qui ont lieu, plus faciles à déchiffrer qu'un embrouillamini général. De même, les voyelles sont réparties de fçaon régulière.

Petit exemple pour comprendre : vous regardez à la télévision l'émisiosn Des Chiffres et des lettres : on joue les lettres. Consonne, voyelle, voyelle, consonne, consonne, voyelle, voyelle, consonne, voyelle : vous avez 30 secondes pour trouvez l'anagramme de « MOINGEOLI ». Pas trouvé ? Bon, d'accord, les premières et dernières lettres n'étaient pas bien positionnées. Recommençons donc, et voyons si le mail dit vrai : « OOINGIMLE » (inversion du M avec le second O, et du I avec le E). Toujours pas ? OMNILOGIE(2). Vous voyez ? On ne peut pas toujours décrypter un « mot muté »(3). Dans le texte précédent, vous vous êtes sûrement, inconsciemment ou non, appuyé sur les mots alentour pour comprendre celui qui vous résistait.

Plus vraisemblable que l'argument mis en avant par le mail, il est possible que le cerveau, très fort en comparaisons, arrive à tuovrer des ressemblances entre le mot qu'il lit et le « mot réel » qu'il possède dans sa « base de données ».

Le texte, créé vers la mi-2003, voire 1999, s'est diffusé rapidement, s'est traduit – on en trouve des versions anglaises, espagnoles, danoises, etc. – et essaimé à travers la Toile(4), si bien que l'on ne sait pas à qui attribuer la paternité (ou maternité) de cette étonnante trouvaille. Il a même eu son heure de gloire, car il a été publié dans Le Monde en 2003.

Mais, finalement, canular ou pas canular, ce qui compte, c'est que le « truc » marche, sans que l'on en soit forcément conscient. Par exemple, avez-vous remarqué quelques « mots mutés », insérés dans cet omnilogisme ? Oui ? Tous les cinq ?


  1. (1) La version est alors : « Selon une étude de l'université de Cambridge, l'ordre des lettres dans un mot n'a pas d'importance, la seule chose importante est que la première et la dernière soient à la bonne place. Le reste peut être dans un désordre total et vous pouvez toujours lire sans problème. C'est parce que le cerveau humain ne lit pas chaque lettre elle-même, mais le mot comme un tout ».
  2. (2) Et à ceux qui me diront qu'omnilogie n'est pas un vrai mot, je vous mets au défi de trouver DITEMEENL, sachant que les première et dernière lettres sont à leur place. Et je ne donne pas la solution aux gens qui chipotent. Ça vous apprendra.
  3. (3) Comme exemple plus simple, j'aurais tout simplement pu prendre un mot un peu long – mettons environnement – et séparer les voyelles des consonnes : nvrnnmnteioee. Mais bon.
  4. (4) Jugez-en par les résultats Google, Google France et Google Espagne, entre autres.