Raah, j'y vois rien ! Elle est où cette saleté de serrure ‽

— Quelqu'un cherchant à rentrer chez lui, de nuit(1)

Personne n'est à l'abri de cette situation fâcheuse, pour peu que nulle lumière ne soit à portée de main (ou d'yeux, plutôt). Et pour cause : la nuit, il fait noir.

Cette première constatation passée (avec votre stupéfaction devant tant de révélations), tâchons de nous intéresser au pourquoi de la chose. Et, au final, la question n'est pas si bête qu'elle en a l'air(2) ! En effet, nous avons pu voir que l'Univers était franchement grand, et plein d'étoiles, en plus. Des étoiles qui, si elles nous paraissent plus petites que le soleil (parce qu'elles sont plus loin), brillent normalement autant que lui (voire plus, notre soleil étant une étoile un peu flemmarde, comparée à la moyenne des autres étoiles). Pourquoi n'avons-nous donc pas, la nuit, un ciel complètement étoilé et donc lumineux ?

Tâchons déjà d'éliminer quelques suggestions : ce n'est pas du fait de la pollution lumineuse terrestre. Certes, elle nous empêche de voir certaines étoiles, cela dit, même en l'enlevant entièrement :
Image prise par Apollo 11, le 16 Juillet 1969 (et légèrement retouchée)
Bon certes il y a ici le problème du temps de pause, qui n'est pas suffisamment long. Cela dit, si le ciel était couvert d'étoiles, on les verrait, même avec petit temps de pause.

D'où vient donc cette absence flagrante d'étoiles dans notre ciel ? Eh bien, le responsable, c'est l'effet Doppler.

Car cet effet s'applique aux ondes, et si l'onde la plus évidente autour de nous est le son (d'où la fameuse modification de la tonalité de la sirène de l'ambulance qui passe), une autre onde très commune est la lumière.

Par ailleurs, on sait que toutes les galaxies s'éloignent de la nôtre, et même très vite(3). Alors, tout comme l'effet Doppler diminue la fréquence du son de l'ambulance qui s'éloigne (ce qui en diminue la tonalité), la fréquence de la lumière émise par les galaxies qui s'éloignent de nous est baissée.

Ce phénomène est appelé « Redshift », puisque la diminution de fréquence fait tendre (« shift ») les couleurs du visible vers le rouge (« red »)

Ainsi, plus les étoiles s'éloignent de nous rapidement, plus elles deviennent rougeâtres, puis totalement rouge, puis rouge sombre… Et finalement, leur lumière « bascule » dans l'infrarouge, à une fréquence inférieure à 430 THz (4).

Et l'infrarouge, on le voit pas. Ce qui implique que toutes les étoiles des galaxies s'éloignant trop rapidement de nous nous sont invisibles… du moins à l'œil nu. C'est ce phénomène qui fait que nous ne voyons qu'une toute petite portion des étoiles dont la lumière atteint la Terre quand nous portons notre regard vers le ciel nocturne, et que ce dernier est donc noir(5).


  1. (1) Oh, allez, je suis sûr que ça vous est arrivé !
  2. (2) Quand on vous dit qu'il n'y a pas de question bête !
  3. (3) Voire à des « vitesses » pouvant dépasser la vitesse de la lumière, mais de celles-là, on ne s'occupe pas, puisqu'on ne les verra jamais si elles continuent comme ça.
  4. (4) Soit une longueur d'onde supérieure à 700 nm, la longueur d'onde étant égale à l'inverse de la fréquence.
  5. (5) C'est également ce phénomène qui oblige les télescopes (terrestres ou embarqués à bord de sondes) à être équipés de capteurs infrarouges. Le champ profond de Hubble présenté dans cet article n'y fait pas exception : il s'agit d'une image captée par une caméra infrarouge, puis retouchée avec de fausses couleurs…