On peut être épicurien dans l'âme et soigner néanmoins son orthographe. Y compris dans les cas de figure un peu déroutants…

On écrira donc en l'occurrence bonne chère et non bonne chair. Pourtant, la droite raison semble plaider en faveur de la seconde graphie : à la base d'un copieux banquet, (puisque c'est à peu près de cela qu'il s'agit) on trouve souvent des aliments carnés. Cette chair aurait très bien pu servir, par métonymie, à désigner la totalité du repas festif.

Pourtant, ici, comme souvent d'ailleurs, l'orthographe repose davantage sur l'histoire du mot que sur la déduction logique.

En réalité, bonne chère découle phonétiquement du latin bona cara qui signifie littéralement bon visage. En Ancien Français, faire bonne chère, c'est recevoir un voyageur ou un visiteur, avec un visage ouvert, c'est-à-dire de manière engageante et conviviale. Progressivement, le sens de cette expression devient plus étroit et finit par désigner plus particulièrement le repas servi pour l'occasion, qui symbolise en quelque sorte de manière substantielle le bon accueil que l'on entend réserver à l'hôte. Si l'homophonie chère/chair a sans doute joué un rôle important dans cette spécialisation, elle n'a pourtant pas entraîné de variation orthographique(1).

Quant à nos amis végétariens, cette orthographe, en plus d'être correcte, présente à leur endroit un avantage qui n'est pas à négliger : ils peuvent accepter librement une invitation à faire bonne chère sans craindre de voir nécessairement servis sous leurs yeux des restes d'animaux refroidis (bon appétit !).


  1. (1) A moins qu'une prochaine réforme orthographique n'en décide un jour autrement.