Je dirige le monde, change de forme à chaque pays et possède mes propres paradis, je suis ? Je suis ? Oui ! L'argent ! Bravo, ami lecteur ! Aujourd'hui nous donnons dans le trivial, mais sous l'angle du langage. N'avez-vous jamais été intrigués par la richesse de notre langue quand il s'agit de nos comptes en banque ? Petit tour d'horizon étymologique éclairé de nos porte-monnaies.

  • Sous sombres : quand l'argent vient des bas-fonds

    • Fric : un nom et une expression à l'origine de ce mot assez obscur. Tout d'abord, le fricoteur, il s'agit d'un être sympathique défini comme un trafiquant malhonnête par tout bon dictionnaire. C'est d'ailleurs sûrement de lui que vient l'expression ce qui vient de fric s'en va de frac, reformulable en bien mal acquis ne profite jamais.
    • Pognon : issu de la même racine que poing, plus précisément du verbe disparu « pogner », qui consistait à attraper avec… et oui, le poing. On peut supposer que le mot nous vient du monde des détrousseurs habiles. Remarquons d'ailleurs que nos amis québécois emploient encore pogner dans le sens d'avoir du succès.
    • Grisbi : apparu à la fin du XIXe, le terme ne s'est répandu qu'en 1953 avec le roman de A. Simonin(1) Touchez pas au grisbi. Le « gris » désigne l'argent sale, en somme un petit magot pas vraiment légal…
  • Sous d'ailleurs : quand l'argent vient de loin

    • Flouze : Issu du marocain fels (étymologiquement : coquillage, obole), monnaie utilisée au Maroc à la fin du XVIIIe, le mot a traversé la Méditerranée pour devenir en argot marseillais felous, qui a fini par évoluer en flouze.
    • Les picaillons : Certainement emprunté à l'italien piccolo, « petit », le mot a fait une petite pause en Savoie au XVIIe, y prit le nom d'une monnaie, fut rapidement déprécié pour devenir synonyme d'argent sans réelle valeur.
    • Le cash : sauf si vous avez séché les cours d'anglais ces dernières années ou vivez dans une grotte loin de toutes pubs(2), vous avez dû repérer l'anglicisme du verbe cash, qui signifie encaisser.
  • Sous de la faim : quand l'argent met en appétit

    • Le blé : associée à la richesse depuis le Moyen-Âge dans une société agricole, le « blé » tombe dans la marmite du vocabulaire populaire seulement au XXe, et dépassera l'emploi de « fric » au cours ses années 60.
    • Les radis : apparu dans les années 1840, l'expression ne plus avoir un radis, où être à sec dans ses finances, montre de façon imagée la ruine par l'impossibilité d'acquérir ce petit légume d'assez bas prix.
    • Le pèse : apparemment tiré du verbe peser, une autre étymologie occitane (encore issue de l'argot marseillais) est possible. Le terme pese, « petit pois », désigne métaphoriquement, comme le lecteur attentif s'en doute, la petite monnaie.

Vous voilà désormais plus riches d'un trésor de sciences. Pas sûr que ça payera votre prochaine facture, mais vous saurez les petits noms de celui qui vous quitte.


  1. (1) Conférez-vous aux célèbres tontons flingueurs, adaptation d'un autre roman de Simonin, Grisbi or not Grisbi, et le non moins fameux « Touche pas au Grisbi, salope ! »
  2. (2) Et forcément d'internet et d'omnilogie.