Ami lecteur, si je te dis « Newton », il est fort à parier que tu me répondras « pomme ». En effet, l'histoire de Newton, qui, voyant dans son verger tomber une pomme, se serait écrié tel Archimède dans sa baignoire : « \(\overrightarrow{F}_{1\rightarrow2} = G \frac{m_1.m_2}{{\|\overrightarrow{M_1M_2}\|}^3}.\overrightarrow{M_2M_1}\) ! »(1), est largement connue.
Cependant, comme il ne pouvait y avoir qu'un seul Archimède, cette histoire est malheureusement trop belle pour être vraie.

Ainsi, en réalité, la pomme n'était pas une pomme comme les autres ; on l'appelait Robert Hooke, et elle était un scientifique respecté de l'époque. Hooke était un astronome qui comme nombre d'autres cherchait à expliquer la trajectoire elliptique des orbites, telles que mises en évidence par Képler. En 1679, il arrive à une suprenante conclusion : la Soleil attire l'ensemble des astres du système à lui ! Hooke extrapole :

Ces forces attractives sont d'autant plus puissantes dans leur action que le corps sur lequel elles agissent est plus près de leurs propres centres. Pour ce qui est de la proportion suivant laquelle ces forces diminuent à mesure que la distance augmente, j'avoue que je ne l'ai pas encore vérifiée par des expériences.

Expériences aidant, Hooke se dirige alors lentement vers l'idée d'une force proportionnelle à l'inverse du carré de la distance (en \(\frac{1}{d^2}\)). Vers 1680, incapable par manque d'outils mathématiques de prouver qu'une force centrale(2) en \(\frac{1}{d^2}\) entraînait des orbites elliptiques, Hooke se tourne vers l'inventeur du calcul différentiel, calcul qui serait à même de résoudre le problème : Isaac Newton.

Problème : Hooke et Newton sont en froid depuis plusieurs années, et les échanges qu'ils avaient jusque-là étaient plutôt formels. Par conséquent, Newton ne donne pas suite à la lettre de Hooke ; en revanche, il publie en 1687 ses Principes Mathématiques de la Philosophie Naturelle, dans lesquels il énonce la loi de l'attraction centrale en \(\frac{1}{d^2}\) et prouve l'orbite elliptique des planètes… Sans aucune référence à Hooke. Furieux, Hooke réclame la paternité de cette découverte, ce à quoi Newton répond par la fameuse histoire de la pomme, qui aurait eu lieu en 1665, donc bien avant que Hooke ne vienne l'embêter avec ses lettres, merci, au revoir.
Cependant, on sait aujourd'hui que Newton n'avait pas eu l'idée clef avant la lettre de Hooke ; Newton lui-même se dédouanera en prétextant que le plus important n'était pas de trouver que la force était en \(\frac{1}{d^2}\), mais bien de prouver qu'elle donnait des ellipses.

Malgré tout, cela ne fait pas de Newton un fumiste : il demeure le véritable découvreur de l'attraction universelle, car présupposer n'est pas prouver, et son œuvre scientifique ne se résume pas à la gravitation : calcul différentiel, décomposition de la lumière, lunette astronomique, binôme éponyme… Bref, Newton reste un génie, même s'il a dû pour cela emprunter quelques idées à ses pairs(3).

Mais enfin, eu égard à la vérité scientifique, fidèle lecteur, aie au moins une pensée pour Robert Hooke en passant devant un verger de pommiers…


  1. (1) Enfin, à quelques heures de calcul et aux notations de l'époque près.
  2. (2) C'est à dire dirigée vers le Soleil.
  3. (3) D'ailleurs, devineras-tu qui, le premier, a formulé de façon valide le principe d'inertie, désormais appelé Première Loi de Newton (En l'absence de forces, tout objet continue sur sa lancée en ligne droite et à vitesse constante) ? René Descartes. Cocorico ! Mais, pour être juste, Descartes a lui-même repris Galilée (tout en le corrigeant, car pour lui la trajectoire « naturelle » d'un objet est circulaire). Comme quoi…