Avez-vous déjà entendu parler du classement Elo(1) ? Sa principale utilisation se situe dans les échecs, mais on retrouve cette méthode dans d'autres domaines : classement mondial féminin FIFA, jeux de go, et plus généralement jeux en « duel »(2).

Le principe du classement Elo est de mesurer la « force » relative des joueurs. On peut déterminer facilement la force relative entre deux joueurs, si ceux-ci ont effectué un nombre de parties suffisamment important pour être significatif : Joe a battu Louis 8 fois en 10 parties donc il est plus fort que Louis. On peut même conclure que Joe a gagné quatre fois plus souvent que Louis dans leurs oppositions (deux victoires contre huit victoires). On introduit ici une probabilité, qui peut éventuellement être utilisée pour les parties à venir : Joe va probablement gagner quatre fois plus souvent que Louis.

L'idée du classement Elo est de transformer ces probabilités de victoire entre deux joueurs, en une mesure de « force », qui pourra ensuite servir à comparer deux joueurs qui ne se sont encore jamais rencontrés, ceci permettant de créer un classement entre les joueurs.

Le problème peut se formuler ainsi : Connaissant la probabilité de gain d'un joueur A contre un joueur B ainsi que celle de B contre un joueur C, quelle est la probabilité de gain de A contre C ? . Pour continuer l'exemple, Boris a battu Louis 4 fois en 7 parties, quelle sa chance de victoire contre Joe ?

Arpad Elo

Ce classement doit son nom à Arpad Emrick Elo(3) (1903-1992) qui l'a mis au point en 1960 à partir des travaux de Kenneth Harkness (1896-1972). Arpad Elo était un professeur de physique, mathématicien, et maître d'échecs à ses heures perdues, d'origine hongroise mais qui a vécu aux Etats-Unis. Il est à l'origine de la base statistique sur laquelle est basé le classement.

Je ne vais pas rentrer dans les détails de sa théorie, simplement préciser qu'il a fait l'hypothèse que la répartition de la force « échiquéenne » des joueurs respectait une loi normale, c'est-à-dire la fameuse courbe en cloche(4)(5), et qu'il a cherché à obtenir un classement additif(6). Autrement dit, que l'écart de force entre A et C doit être la somme des écarts entre A et B, et B et C(7).

Ainsi, on calcule le nouveau nombre de points à partir de l'ancien, modifié par le résultat obtenu en fonction du résultat attendu, avec la formule :

$NouveauRang = AncienRang + Amplification \times (RésultatRéel − RésultatAttendu)$

Le résultat réel s'exprime par exemple aux échecs comme 1 point pour une victoire, 0,5 point pour un nul et 0 point pour une défaite. Le résultat attendu est celui estimé par les probabilités, et qui sera donc par exemple 0,875 point si un joueur a de grandes chances de battre son adversaire. Enfin, le facteur d'amplification permet d'étaler le classement pour qu'il soit plus lisible. Pour les échecs, il vaut 400, ce qui étale le classement entre 1000 et 2 900 environ(8).

Je terminerai cet aperçu en évoquant le classement Glicko, qui est une évolution introduisant un paramètre de fiabilité dans le classement. En effet, un joueur qui n'a pas joué depuis longtemps n'aura plus la même force que lorsqu'il a joué son dernier match. On atténuera alors l'effet du résultat, puisque le résultat attendu n'est pas très fiable.

Voilà pour cette présentation du classement Elo dont le principe inspire les classements de nombreuses disciplines ou jeux aujourd'hui.


  1. (1) Et pas ELO, mais j'y reviendrais plus tard.
  2. (2) Cela peut être des duels d'équipe, comme au football.
  3. (3) Ce qui justifie l'écriture Elo et non ELO, puisqu'il s'agit non pas d'un acronyme, mais bel et bien du nom de son inventeur.
  4. (4) Prosaïquement : très peu de joueurs très bons, un peu plus de joueurs bons, beaucoup de joueurs moyens, un peu de joueurs mauvais et très peu de joueurs très mauvais.
  5. (5) Des tests ultérieurs ont montré que ce n'est pas tout à fait le cas, mais on a gardé le nom du classement même après avoir fait légèrement évoluer la méthode de calcul.
  6. (6) Ce qui n'est pas le cas en utilisant les probabilités directement. Dans l'exemple, je parlais des chances de victoire quatre fois plus importantes pour Jœ que pour Louis. La comparaison se fait ici par multiplication (ou division).
  7. (7) Il a pu le faire en introduisant des logarithmes.
  8. (8) 1000 points pour un enfant, 2000 points pour un niveau national, 2 600 points pour les 200 meilleurs mondiaux, 2 800 points la barre franchie seulement par six joueurs et 2 851 points le plus haut score jamais obtenu par Garry Kasparov en juillet 1999.