• Quels sont les exifs de ta photo ?
  • 200 mm ; f/2 ; 1/100s ; 200 ISO.
  • C'est une très belle photo avec un beau bokeh. Mais tu aurais pu monter en ISO pour diminuer la vitesse.

Vous n'avez pas compris à ce que raconte Bob ? C'est normal, le vocabulaire technique de la photographie peut paraître abscons pour un néophyte. Quand Yann Arthus Bertrand(1) parle avec ses amis de photographie, il est probable que vous n'y compreniez goutte. Cet article initie une série de plusieurs articles sur la photographie où nous aborderons cet art surtout d'un point de vue technique et technologique. L'aspect artistique restant à l'appréciation de chacun, je ne me permettrais pas d'imposer mon opinion.

Alors, que nous baragouine ce photographe qui analyse la photo de son collègue ? Quand on fait de la photographie, de la vraie, on règle soi-même son appareil photo et on n'utilise pas, au grand jamais, le mode automatique : c'est un sacrilège (disons plutôt que c'est inutile).
Ce qu'on appelle les exifs, ce sont les réglages de l'appareil qui sont sauvegardés dans le fichier numérique en même temps que l'image (en argentique il faut(2) les noter sur un papier pour s'en souvenir). Ainsi Bob demande à son ami de lui dire quels étaient les réglages de l'appareil photo lorsqu'il a pris cette fameuse photo.

La première information donnée est la focale de 200 mm. La focale c'est grosso modo la distance séparant la lentille principale de l'objectif du capteur ou de la pellicule. Une petite focale correspond à un objectif grand angle alors qu'une grande focale correspond à un téléobjectif. Ici 200 mm : il s'agit d'un petit téléobjectif.

Parc optique d'une grande marque d'appareils photos

Sur la photo ci-dessus on voit qu'il existe un parc optique assez large allant de l'ultra grand angle au super téléobjectif. Il y en a pour tous les goûts, tous les styles et accessoirement, pour tous les budgets, surtout les gros.

La deuxième information est l'ouverture du diaphragme. Le diaphragme est un dispositif mécanique opaque comportant une ouverture centrale de dimension variable. Il permet de limiter le nombre de rayons du faisceau lumineux qui arrivent sur le capteur. Ce réglage est capital en photographie.

Différentes ouverture d'un diaphragme

Ici l'ouverture est de 2, cela signifie que le diaphragme est très ouvert et qu'il laisse passer beaucoup de lumière. Cette grandeur est capitale techniquement et artistiquement. Techniquement si beaucoup de lumière rentre alors on pourra prendre la photo rapidement car le capteur ou la pellicule seront imprégnés par beaucoup de lumière. C'est utile pour photographier des choses en mouvement par exemple. Inversement si on ferme le diaphragme à f/16, beaucoup moins de lumière rentre et il faut attendre plus de temps pour que la pellicule soit bien imprégnée de lumière. Mais ce n'est pas tout, l'ouverture influence aussi la profondeur de champ c'est à dire la zone de netteté sur la photo. Si on ferme beaucoup le diaphragme, toute la photo sera nette, inversement si on l'ouvre beaucoup, seule la zone de mise au point sera nette. Le choix de l'ouverture influence donc énormément le rendu esthétique de la photo et sa qualité artistique.

Le flou d'arrière plan est appelé le bokeh. En général on cherche à avoir le sujet net et le fond flou ce qui facilite la lecture de l'image, centre le regard sur le sujet et suggère ce qu'il y a derrière sans le montrer.

Exemple de bokeh important

Le choix de la profondeur de champ ouvre la voie à une créativité énorme. On peut
détacher le sujet de l'arrière plan pour rendre l'image lisible en photo animalière mais ça marche aussi avec les jolies filles. Une profondeur de champ réduite permet de suggérer sans montrer. En macro la profondeur de champ est très réduite. Il est également possible de jouer avec les lumières pour créer une ambiance.

La troisième information est le temps de pose (et pas pause). C'est le temps d'imprégnation du capteur ou de la pellicule. Ici, le capteur a reçu de la lumière pendant 1/100 de seconde. Cette grandeur est souvent directement liée à l'ouverture du diaphragme. En effet si on ouvre en grand à f/2 et qu'on prend la photo pendant un temps long (disons 1/2 seconde) alors le capteur reçoit énormément de lumière (50 fois plus qu'à 1/100 de seconde). Et c'est beaucoup trop ! Le capteur sature et donne l'information maximum qu'il est capable de délivrer ce qui se traduit sur la photo par du blanc pur. On dit que la photo est cramée. Inversement à 1/2000 de seconde le capteur reçoit 20 fois moins de lumière. Toute la subtilité est de jouer avec ces deux paramètres pour obtenir l'effet voulu.

Aurore boréale en Alaska

La photo ci-dessus à été prise pendant 25 secondes pour capter un maximum de lumière et retranscrire les mouvements de l'aurore boréale. Le choix de la vitesse permet une très grande créativité. La photographique high speed consiste à figer des mouvements hyper rapides. En animalier on peut figer des moments spectaculaires. Inversement les temps de pose très long permettent par exemple de photographier les étoiles ou de lisser l'eau et les nuages.

Enfin la dernière information est la sensibilité du capteur. Ici 200 ISO. En argentique on peut(3) acheter des pellicules plus ou moins sensibles à la lumière. On parle de pellicule 100, 200 ou 400 ASA. Si la pellicule est très sensible on peut lui donner moins de lumière (temps de pose très court, ou diaphragme relativement fermé). En numérique c'est pareil, sauf qu'on ne change pas le capteur de l'appareil mais on modifie sa sensibilité. Un capteur possède une certaine sensibilité comme une pellicule et non pas plusieurs. Ce changement de sensibilité est donc fictif et se fait par une amplification du signal reçu. Si le capteur reçoit dix photons et que dix photons correspondent à du noir alors en augmentant les ISO on peux dire qu'il y avait en fait 40 photons et faire croire qu'il y avait de la lumière. Ainsi quand il y a peu de lumière (la nuit par exemple) on peut ouvrir le diaphragme pour capter plus de lumière, ou prendre une photo plus longue ou encore augmenter les ISO pour augmenter la sensibilité du capteur. Mais la montée en ISO n'est pas un phénomène magique. En argentique, les pellicules sont vraiment plus ou moins sensibles à la lumière. C'est de la chimie. En numérique, augmenter artificiellement la sensibilité amplifie l'information captée mais aussi le bruit de fond, à la façon d'un poste radio où on ne capterait pas bien l'émission. Si le son est faible on entend un peu le grésillement, si on augmente le son on entend tout le grésillement et c'est très désagréable.

Ces quatre notions (focale, ouverture, vitesse, ISO) sont la base de la photographie. Sans elles il n'y a que le mode automatique et il est impossible de faire des choses un peu créatives ou techniques.

Paysage d'Alaska

Photo prise à 100 mm ; f/6,3 ; 1/320s ; 200 ISO. Maintenant tout est clair.


  1. (1) Pour ne citer que le photographe contemporain le plus connu des français
  2. (2) Notez l'utilisation du présent.
  3. (3) Mais plus pour longtemps. La production de pellicules tend à être arrêtée.