Dans la lignée de l'article de zehus, je vous propose ici d'aborder la théorie de la sélection naturelle.

Que les ancêtres des girafes eussent de petites nuques, c'est indiscutable, mais il est trop souvent dit, à tort, que, pour atteindre les arbres, la nature se mit à leur fournir gracieusement de longs cous majestueux. Ne paraît-il pas aberrant à l'esprit que la nature pût les allonger à sa guise ou que les girafes pussent grandir d'elles-mêmes ? Et pourtant, c'est ce que l'on affirme, faute de connaître la véritable réponse.

Prenons notre ancêtre de la girafe, que nous nommerons \(G_1\), prenons une jeune femelle nommée Aldéhyde, et voyons un scénario probable. Aldéhyde a un petit cou et de petites pattes et d'autres caractéristiques dont on se moque. Elle rencontre au détour d'un grand arbre qui la nargue un jeune mâle dévorant un arbuste : c'est Cétone, et tous deux engagent la conversation. Au bout d'une heure, il l'invite à boire un verre ; et je vous passe la sérénade. Bref, dix minutes plus tard, les cellules d'Aldéhyde exténuée s'animent et lancent le processus de fécondation. Le problème, c'est que la cellule-œuf sélectionnée a subi une mutation : le(s) gène(s) de la longueur du cou et des pattes sont légèrement modifiés.

Aldéhyde accouche tandis que Cétone récupère le bébé et tente de le nettoyer de tout ce truc visqueux qui le recouvre. Et, bigre, il se rend compte que son fils a un cou plus grand que la moyenne, sans parler des pattes ! Mais vraiment, Amine a une tête étrange : il dépasse son papa d'une ou deux têtes. Toutefois tout le monde l'aime bien. En voilà bien un \(G_2\). Il n'est même pas malade.

Et puis Amine est en âge de se reproduire et guette les femelles. Il n'est pas stérile pour un sou. Je n'ai aucune idée de comment les animaux se reproduisaient il y a de ça plusieurs millions d'années, je ne sais même pas comment ils font aujourd'hui. Peu importe, Amine rencontre Ester et c'est le coup de foudre. Mais c'est aussi le vertige : Amine est plus grand qu'un joueur de basket sur talons hauts. Peu importe, Amine épouse Ester et Ester épouse Amine.

Tandis que ses parents Aldéhyde et Cétone et sa femme Ester se nourrissent exclusivement d'arbustes un peu secs, lui, Amine, peut manger de grandes quantités de feuilles des arbres. C'est bon et puis c'est adapté à sa taille(1). Bref, Amine est au mieux de sa forme. Il s'accouple avec Ester et un bébé naît. Appelons-le Amide, le petit \(G_3\). Ce bébé avait une certaine probabilité d'obtenir un long cou et de longues pattes. Et bim, ça a pas loupé. Le voilà aussi grand que son père.

Et la mutation se transmet de génération en génération, avec une probabilité qui varie, selon des concepts d'appariements chromosomiques que je ne détaillerai pas.

Un matin, on enterrait Cétone. Il avait mangé du laurier rose.

Quelques millions d'années après, me voilà ici vous écrivant ces lignes. Il est certain que les arbres étaient plus nourrissants que les arbustes desséchés de la savane ou de la steppe ou de la toundra. Les girafes issues de \(G_2\), si elles vivaient suffisamment pour transmettre génétiquement leur mutation, formèrent une nouvelle espèce. In fine, la sélection naturelle n'est rien d'autre que ce processus d'adaptation des espèces à leur milieu en raison d'une mutation génétique ou d'une variation de l'environnement.

Amine


  1. (1) On dirait une pub pour de la purée pour enfant.