Tout fidèle lecteur d'omnilogie est déjà bien sensibilisé à la vie monacale dont il n'ignore pas grand chose…
Il sait déjà faire la différence entre une abbaye et un monastère, il connait pas cœur le rythme de la journée au sein des ces havres de paix, il sait aussi qu'un moine convers aurait historiquement pu être destiné à se vouer à la fabrication de la bière, et il est sans doute toujours heureux de se désaltérer en période de forte chaleur avec une bonne bière…

Et pourquoi pas une bière d'abbaye, d'autant que cette appellation incite à espérer un produit de qualité, élaboré sans contrainte de temps et avec un amour du travail bien fait ?…

Mais qu'appelle-t-on bière d'abbaye ?

Eh bien, l'appellation en elle-même n'est pas un gage de qualité, puisque nombre de bières qui se réclament comme telles ne sont de fait que dues à des multinationales aux marques multiples… professionnelles de la valse des étiquettes. Le nom a le plus souvent été racheté, mais point d'intervention des moines(1).

Les bières « trappistes » sont quant à elles plus spécifiquement marquées et fidèles à leur engagement.
Moine trappiste

On compte pas moins de 176 monastères trappistes, membres de l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance(2).
C'est à Soligny-la-Trappe (Orne) qu'est fondée cette congrégation en l'abbaye Notre-Dame de la Trappe (aussi dite Grande-Trappe), toujours présente.
Cette abbaye était devenue cistercienne en 1147(3).

Parmi ces 176, 11 détiennent une licence de brasseur, officialisée par l'Association internationale trappiste. Vous avez peur de vous faire avoir ? Cherchez le logo en forme de losange qui précise l'origine monastique de la bière et le strict respect des règles, permettant au monastère et à sa communauté de subsister. Logo de bière trappiste

Recherche de profits penserez-vous ? Que nenni, nul objectif de thésauriser, mais plutôt d'assurer la subsistance de la communauté, et au passage de financer les différentes œuvres de l'Ordre.

Les différentes bières trappistes et d'abbaye Sept sont en Belgique, et deux aux Pays-Bas, « de type belge », c'est-à-dire à fermentation haute, sans filtrage comme la Tripel Karmeliet (trois céréales : le froment, l'orge et l'avoine).
Les autres exceptions sont les bières « de table » à consommer en mangeant, telles celle du monastère Spencer dans le Massachusetts ou celle de l'abbaye italienne de Tre Fontane (aromatisée à l'eucalyptus).

Quant aux bières d'abbaye, leur origine monastique ne fait pas de doute. Mais elles sont maintenant le fruit du travail de multinationales de la bière, voire de l'alimentaire en général, qui ont obtenu en toute légalité les droits sur la fabrication de ces boissons. Même si elles ont conservé pour d'évidentes raisons commerciales le nom de l'abbaye ou du saint d'origine, l'Ordre n'a plus rien ou si peu à voir avec la boisson…

Cela dit, quelle qu'en soit l'origine, rien ne vous empêche de réciter la bénédiction officielle (hé oui !) :
Bénédiction officielle

Bénis, Ô Seigneur, cette bière nouvelle, qu'il t'a plu de tirer de la tendresse du grain : puisse-t-elle offrir au genre humain un remède salutaire : fais que, par l'invocation de Ton saint nom, quiconque en boive recouvre la santé du corps et la protection de son âme. Au nom du Christ notre Seigneur. Amen.

Et n'oublions pas aussi que la règle de Saint-Benoît, toujours en vigueur, avait réglé la consommation du vin avant même que la bière ne soit produite par nos bons moines ; c'est ainsi que le chapitre 40 de la Règle indique :

Nous croyons qu'une hémine de vin suffit à chacun pour la journée(4). Quant à ceux auxquels Dieu donne la force de s'en passer, qu'ils soient assurés qu'ils en recevront une récompense spéciale. Si la situation du lieu, ou le travail, ou les chaleurs de l'été, demandent davantage, la volonté du supérieur en décidera ; mais il veillera surtout à ne pas laisser s'introduire la satiété ou l'ivresse (…) car le vin fait apostasier même les sages.


  1. (1) Ni de l'Esprit Saint et encore moins d'intervention divine…
  2. (2) Ordre cistercien apparu en 1660 à l'initiative de l'abbé Armand Jean Le Bouthillier de Rancé.
  3. (3) Du nom de l'abbaye de Cîteaux fondée par Robert de Molesme en 1098, après la réforme de l'Ordre de Saint-Benoît fondé en 529.
  4. (4) soit environ 25cl, confirmé par nos académies de médecine actuelle !