Il fut un temps où il était certain que les animaux avaient une âme(1), et où ils étaient légalement tenus responsables de leurs actes, au même titre que leur propriétaire s'ils en avaient un. Cette responsabilité entraînait « logiquement » un procès dès lors qu'un acte délictueux était perpétré par l'animal, procès au cours duquel l'accusé, et son maître le cas échéant, avaient un avocat chargé de défendre leur cause.

Procès d'un porc

Nous allons nous pencher ici sur le cas des insectes, qui, à priori, n'avaient pas de propriétaires… Les insectes n'étant de par leur nature que peu disposés à blesser ou tuer des hommes, c'est dans les instances civiles qu'on va les rencontrer le plus souvent(2).

Les insectes étaient donc convoqués à ces procès suite à la plainte de populations, souvent des fermiers, qui avaient à se plaindre des dégâts provoqués par les accusés à leurs récoltes. On retrouve la trace de ces procès à partir du XIIe siècle, se déroulant toujours peu ou prou de la même manière.
À la suite de doléances déposées auprès d'un juge ecclésiastique, où le parti accusateur détaillait le signalement de l'accusé ainsi que les dégâts provoqués, un huissier assignait les animaux à comparaître devant le tribunal. Les bêtes n'étant que peu complaisantes à se faire traîner en justice, l'assignation était répétée trois fois (sans effet notable cependant) avant qu'elles ne soient déclarées défaillantes. Leur était alors nommé un curateur(3), ainsi qu'un avocat. Les débats commençaient alors, et souvent des experts étaient envoyés sur les lieux pour rapporter des dégâts.

La suite différait selon le bon vouloir des accusateurs ou des insectes(4) :

  • soit les premiers, lassés d'attendre la fin de la procédure, offraient aux seconds une parcelle de terrain où ils étaient enjoints de se rendre et d'y rester ;
  • soit la procédure arrivait à son terme sans interruption, auquel cas les insectes étaient sommés de quitter la région. Cette décision n'étant que rarement suivie d'effets(5), le juge ecclésiastique prononçait alors contre eux la lourde peine de l'excommunication.

On retrouve par la suite des témoignages comme quoi les animaux excommuniés ne causaient plus aucun souci après la sentence, cependant, malgré l'amplitude de la peine, je ne suis pas certain que ces témoignages soient totalement exempts de subjectivité…


  1. (1) J'ignore si ce point fut abordé lors de la controverse de Valladolid…
  2. (2) Contrairement aux instances pénales, où on retrouvait porcs, chiens, etc. , qui, après leur « crime », subissaient généralement un châtiment semblable à celui qu'on aurait employé pour un homme.
  3. (3) C'est-à-dire une personne les représentant du fait de leur incapacité à se déplacer.
  4. (4) Mais surtout des accusateurs.
  5. (5) Les insectes étant connus pour leur mauvaise volonté…