Voilà une expression qu'on utilise volontiers, sans bien toujours savoir le contexte de cette histoire de moutons… Vous voulez suivre ce troupeau, à reculons, au départ de l'Histoire ? Marche arrière au XVIe siècle !

Apparaissant dans le « Pantagruel » de Rabelais(1), Panurge, est intelligent en diable autant que flambeur de son bien, cherchant toujours à gagner le haut du panier. Quand il rencontre Pantagruel, sa position est fort fâcheuse et pitoyable, comme souvent. Pantagruel voulant l'aider lui offre de quoi faire un beau parti, mais Panurge est un consommateur peu prudent et s'empresse de tout dépenser. Panurge est aussi un malin qui s'embarrasse peu de morale. Et Rabelais nous le montre en action à l'occasion d'un voyage en mer.

Le navire dont Panurge est passager est pris dans la tourmente d'un violent orage. La coque en craque et les voiles s'en déchirent ! Peu habitué à ce déferlement d'eaux et de foudres, Panurge se torture et geint à haute voix par peur de périr noyé ! Il prie et crie qu'on le dépose vite sur sa bonne vieille terre, dans le désintérêt des marins aguerris.
Sauf, et le calme revenu sur les eaux, il est confondu de honte pour s'être seul montré si peureux et calcule aussitôt un tour vengeur ! Faute de pouvoir s'en prendre à l'équipage, il trouve sa future victime en Dindenaut, commerçant ramenant par ce bateau son troupeau de moutons. Ayant négocié l'achat d'un animal de ce dernier, après un coûteux marchandage, sûr de sa propriété sur le mouton, il peut dès lors en disposer. Il le prend soudainement à bras le corps et le balance par dessus bord à la mer où l'animal se noie ! Ce que voyant, tous les moutons du troupeau se bousculent à sa suite et courent aussitôt se jeter à l'eau, pour un même funeste sort ! S'en suit le bélier que Dindenaut avait vite fort enlacé pour le retenir, et voilà le marchand par le fond. Notre Panurge de rire de la situation et de discourir le malheureux noyé sur sa meilleure fortune au-delà plutôt que sur cette terre ingrate !

D'où l'expression qui est née. Des gens sans esprit d'initiative qui font la même chose que celui qui les précède, on dit volontiers qu'ils sont « comme les moutons de Panurge ».


  1. (1) Mais oui, on peut lire Rabelais pour s'amuser ! Allez vous faire votre propre avis en piochant dans Gargantua ou Pantagruel ! Rabelais y est d'une écriture fraîche, moderne, (dès 1532 !) et pleine d'humour, il surprendra votre scepticisme !