— Choisis un nombre de trois chiffres au hasard. Prend les tous différents !
— OK, c'est fait.
— Évite de prendre 123, c'est trop classique !
— Ha ben ça commence bien ! Comment t'as deviné ?

Ma famille est amusée. J'explique qu'on a souvent du mal à simuler le hasard. J'invite donc ma sœur à procéder à un rapide calcul afin de s'assurer que l'on a bien un nombre aléatoire :
— Renverse ton nombre. Comme 345 donnerait 543. Puis soustrais-le à ton nombre de départ.
— Hmmmm… Attend une seconde, c'est pas évident.
— Bouge pas, on va bien trouver une calculette !

Je fouille dans mon sac et lui propose mon téléphone portable afin de l'aider. Elle accepte avec soulagement.
— Tu devrais soustraire le plus petit au plus grand pour que se soit plus facile.
— OK, c'est bon… et après ?
— Ton résultat doit faire trois chiffres non ?
— Oui c'est ça, mais bon, c'est pas dur à deviner !
— Voyons… Pour être sur de notre coup, ce coup ci tu vas additionner ton résultat avec son renversement !

Elle bricole la calculatrice alors que ma mère « vérifie » ses calculs. Tout le monde s'accorde à dire qu'un tel protocole ne me laisse décidément aucune chance ! Je reprends :
— Très bien, on y est ? Ton nombre fait-il 2, 3, 4 ou même 5 chiffres ?
— Je dois te le dire ? Il en fait 4 !
— Parfait ! Tu vas donc le couper en deux. La première paire va t'indiquer un numéro de page, la seconde un numéro de ligne. Ou l'inverse, comme tu veux, ce n'est pas important.

Je me lève alors et me dirige vers la bibliothèque dans laquelle je prends deux livres, au hasard. Avec le recul, je vois toute ma famille qui me regarde, dubitative et soucieuse de démasquer une éventuelle tricherie dans mes moindres gestes. Leur méfiance et leur scepticisme sont compréhensibles après tout !
Je reviens à la table pour y poser les deux livres, en face de ma sœur. Je lui demande d'en désigner un et de le pousser vers moi. Elle s'exécute. Je le saisis et retourne le ranger tout en l'invitant à consulter le livre restant à la page que son nombre a défini.
— Mémorise le premier mot que tu trouveras à la page et à la ligne indiquée par ton nombre. Tu peux inverser le numéro de page et le numéro de ligne si ça t'arrange.

Toute la famille est maintenant autour d'elle pour consulter le mot en question.
— Vous y êtes ? Tout le monde a vu le mot ? Bien, vous pouvez maintenant refermer le livre et l'expérience va pouvoir vraiment commencer !

Je prends alors un papier et un stylo, et demande le silence.
— Tu dois te concentrer sur ton mot afin que je puisse le capter.

Je prends ma tête dans mes mains. Les murmures se sont tus, laissant place à un silence pesant.
— Je ne sens pas grand chose… Peut-être peux-tu m'aider : quand je claquerai des doigts, tu vas faire défiler l'alphabet dans ta tête et tu me diras « stop » quand tu auras atteint la première lettre de ton mot.

Ma proposition lui semble honnête puisqu'elle ne remet pas trop en cause son secret. Elle accepte donc. Je claque des doigts en la regardant fixement, toujours aussi concentré. Après quelques secondes, elle me dit « stop ». Je saisis alors une « pensée » et la note prestement sur mon papier. Mon père sourit. Plusieurs mots traversent mon esprit. Je suis dans le doute. Ma famille perçoit mon incertitude et déjà, certains me voient mal engagé.
— C'est un prénom n'est-ce pas ? Hmmm… Non, ce n'est pas ça ! Attends, oui ça y est, je l'ai !
Je note alors mon ultime mot, rayant tous les autres, avant de reposer mon papier sur la table, à l'envers.
— Je pense avoir perçu ton mot. Je l'ai noté sur ce papier. Peux-tu maintenant nous dire ce que c'était ?
— Vraiment, je dois le dire maintenant ? C'était « Piraterie ! »
— En effet, c'est ce que j'ai perçu.

À ce moment là, tout le monde trouve mon affirmation très facile. C'est la curiosité de mon père qui viendra rompre le suspense. En retournant le papier témoin, l'assemblée découvrit que j'avais vu juste…


Mais comment ?
Toute la puissance de ce tour réside dans la certitude que votre sujet a atteinte quant à votre impossibilité à connaître le mot désigné. Ceci grâce aux multiples choix personnels que vous lui avez laissé la liberté de prendre – en fait une succession de forçages (sic) – ainsi que le caractère aléatoire de la procédure. Comme nous allons le voir, le mot est évidemment connu d'avance !

Ce tour demande un peu de préparation : vous devrez mémoriser le premier mot de la ligne 10, page 89 d'au moins un livre. Faites-le de manière très discrète et suffisamment à l'avance afin de ne pas éveiller les soupçons.

Bien qu'ayant l'air d'être improvisé, le calcul que vous proposez donnera à coup sûr le même résultat. Comme le montre le tableau ci-dessous, n'importe quel nombre de départ (Pierre, Paul ou Yves) aura pour résultat 1089 lorsque l'on suit la procédure. Vous connaissez donc ce nombre, mais le sujet l'ignore !

Pierre Paul Yves

Faites choisir au hasard un nombre de trois chiffres distincts.
Il ne faut pas que le chiffre reste identique quand il est renversé (comme 474 ou 838 le sont) sinon on obtient zéro dès la seconde étape. Afin de simplifier l'énoncé, proposez de choisir 3 chiffres tous différents.

123 352 942
Faites renverser ce nombre (123 donnerait 321). 321 253 249

Faites soustraire ces deux nombres.
Le résultat de la soustraction doit être positif : vous pouvez proposer d'ignorer le signe négatif du résultat, ou encore proposer de soustraire le plus petit des deux nombres au plus grand, prétextant que le calcul en sera plus facile.

(-)198 (0)99 693

Faites renverser le résultat.
Si le résultat de la soustraction ne fait que deux chiffres, le tour ne marchera pas. Vérifiez donc qu'il fait bien trois chiffres en disant : « Vous devez maintenant avoir un résultat à trois chiffres ». Si ce n'est pas le cas, votre sujet le fera savoir. Il suffit alors d'ajouter négligemment : « Hé bien rajoutez un zéro au début ou à la fin de votre nombre, comme vous voulez ! ».

891 990 396
Faites additionner les deux nombres précédents. 1089 1089 1089

Lors du premier calcul, il est probable que le sujet aura une difficulté. Prenez donc soin de préparer une calculatrice (un téléphone portable peut faire l'affaire) que vous pourrez mettre à sa disposition pour l'aider dans ses calculs. Ne la sortez pas en avance.

Si vous n'avez pu préparer le tour qu'avec un seul livre, vous pouvez quand même en présenter deux, et procéder à un « forçage » : présentez deux livres et demandez au sujet de pousser vers vous celui de son choix.

  • S'il s'agit du livre dont vous connaissez le contenu, prenez-le et tendez-le-lui en disant « C'est vous qui l'avez choisi ! »
  • S'il s'agit du livre dont vous ne connaissez pas le contenu, prenez-le en disant : « Très bien, on a maintenant chacun son livre ! » et écartez-le. Le sujet se retrouve donc avec le bon livre.

Laissez le sujet faire son choix dans l'attribution des lignes et des pages par rapport à son nombre. Il constatera assez vite qu'il est plus facile de trouver la ligne 10 de la page 89 que l'inverse. Surtout qu'il y a rarement 89 lignes dans une page, encore moins dans les dix premières. Nouveau forçage !


Ma petite touche personnelle :

Pour vous rajouter de la crédibilité :

  • donnez l'impression que vous improvisez le protocole ;
  • prenez votre temps, jouez la carte de la confiance pendant le tour ;
  • n'expliquez pas votre technique après le tour, c'est là que réside le « prestige » (c'est comme ça que les magiciens appellent ça) ;
  • soyez modeste après le tour, vous n'êtes pas un vrai médium je vous le rappelle.

D'expérience ;

  • choisissez un livre où la ligne 10 ne contient pas d'apostrophe – les gens ont la faculté spéciale de se compliquer la vie
  • apprenez une fois pour toutes le protocole dans votre tête, ce n'est pas pendant le tour qu'il faudra revenir voir mon explication, et puis c'est beaucoup plus impressionnant !

Personnellement j'apprends les deux mots des deux livres.. C'est plus simple et ça empêche votre auditorat de vouloir le livre dont vous ne savez pas le mot !

@ChatonBateman