L'héraldique est la science du blason, c'est-à-dire l'étude des armoiries. Aussi méconnue que soit l'héraldique, il s'agit bien là d'une science auxiliaire de l'histoire et de l'archéologie. L'héraldique n'est pas simplement l'étude et la connaissance des blasons, cela va plus loin.
Cette science apparaît au XIIe siècle au sein de la chevalerie et perdure aujourd'hui de façon plus marginale chez les spécialistes. En tant que science, l'héraldique possède des règles et des lois très strictes et complexes en ce qui concerne l'héritage des blasons au sein des familles par exemple. Mais ce dont je vais vous parler aujourd'hui, ce sont les règles qui permettent de décrire un blason en héraldique. On dit que l'on blasonne un écu. Tout comme les chimistes ont établi une nomenclature systématique pour nommer les molécules, les anciens ont mis en place bien avant les chimistes une nomenclature pour décrire les blasons.

Pour décrire les couleurs, il existe six termes correspondant à six couleurs. Les deux premières sont qualifiées de métaux alors que les autres sont qualifiées d'émaux. Chaque émail et chaque métal possède bien entendu ses symboliques.

  • Or : jaune. Soleil, topaze, intelligence, grandeur, vertu, prestige.
  • Argent : blanc. Lune, perle, netteté, pureté, sagesse.
  • Gueule : rouge. Mars, rubis, amour, désir de servir sa patrie.
  • Azur : bleu. Jupiter, saphir, beauté, fidélité, persévérance.
  • Sable : noire. Saturne, diamant, tristesse, volonté farouche.
  • Sinople : vert. Vénus, émeraude, santé, joie, espérance, liberté.

Ainsi, pour parler d'un fond bleu, nous parlerons d'un fond d'azur. Le blason obéit à la règle des émaux, qui est stricte et universellement observée : on ne peut mettre métal sur métal ni émail sur émail. Jamais vous ne verrez normalement de l'or sur de l'argent ni de l'azur sur du sable sauf dans de très rares cas. On dit alors que le blason est d'équerre.
Notons qu'il existe d'autres couleurs mais elles sont plus rares.

Si pour chaque couleur il existe un terme, il en est de même pour chaque « découpage graphique » d'un blason. On les classe en deux parties : les partitions et les pièces honorables, qui dérivent des partitions. Les partitions les plus répandues sont : parti, coupé, tranché, taillé. Les pièces honorables les plus courantes, quant à elles, sont le chef, la fasce, la bande, la barre et la croix. Il en existe des dizaines d'autres mais elles sont moins courantes.

Les principales partitions

Les quatre principales partitions

Les principales pièce honorables

Les principales pièces honorables

Le cinquième blason présenté ci-dessus sera donc d'azur à la fasce d'or. Jusque là, c'est facile.

Pour décrire la position d'un élément sur un blason, on pourra employer un terme spécifique servant à localiser explicitement les figures pour les neufs zones composant l'écu(1).

Les points de l'écu

Les neufs points de l'écu
1 : Canton dextre du chef 2 : Point du chef 3 : Canton sénestre du chef
4 : Point du flanc dextre 5 : Cœur ou abîme 6 : Point du flanc sénestre
7 : Canton dextre de la pointe 8 : Point de la pointe 9 : Canton sénestre de la pointe

Commençons par décrire le blason de Chambéry pour débuter, car il est assez simple. Il est de gueules à la croix d'argent cantonnée à dextre du chef d'une étoile d'or. Cela est tout de même nettement plus distingué que : une croix blanche sur fond rouge et une étoile jaune en haut à droite.

Blason de Chambéry

Blason de Chambéry

Avec six couleurs et quelques pièces honorables, il devient vite nécessaire de complexifier les blasons aux graphismes limités. Ainsi apparaissent dès le XIIe siècle ce qu'on nomme en héraldique les meubles. Ce sont des figures qui viennent enrichir le blason. L'étoile de Chambéry est un meuble héraldique. Bien souvent, ces pièces sont composées d'animaux dont la position, les gestes et l'attitude sont conventionnels et exprimés par des termes également conventionnels comme passant, rampant, morné… Un animal figure généralement de profil et a toujours une position usuelle à la tête tournée à dextre. Dans le cas contraire, c'est-à-dire orienté vers sénestre, il est dit contourné. En héraldique, tous les animaux peuvent porter des accessoires comme une épée, une couronne… Ils sont alors précisés armés, couronnés… Le lion est l'animal par excellence et de très nombreuses positions sont décrites pour ce dernier. La plupart des expressions peuvent être réutilisées pour les autres animaux, mais souvent, chaque animal possède un vocabulaire propre.

Les attitudes caractéristique du lion

Les attitudes caractéristique du lion (cliquez pour agrandir)

Nous en arrivons donc au titre de cet article : deux léopards d'or passant sur fond de gueule. Cela signifie que le blason représente deux lions regardant de face (deux léopards) marchant sur trois pattes de la gauche vers la droite (passant) sur fond rouge (de gueule).
Qui suis-je ? Le blason normand, pour sûr !

Blason normand

Blason normand

Cependant, cette définition est incomplète puisqu'elle ne décrit ni les griffes, ni la langue des léopards, ni même leur position relative. C'est pourtant la description la plus courante… Une meilleure définition serait : deux léopards d'or, armés et lampassés d'azur, passant l'un sur l'autre sur fond de gueule(2). Un point vocabulaire et définitions héraldiques s'impose.

  • L'attribut armé s'emploie pour un animal dont les griffes sont d'un autre émail (d'une autre couleur) que celui du corps.
  • Le terme lampassé désigne des animaux dont la langue sortant de la gueule est d'un émail particulier.

Une confusion est souvent faite entre le léopard héraldique, qui est un lion regardant de face, et le vrai léopard. Wikipedia lui-même fait pas mal d'erreurs et d'amalgames sur certains de ses articles(3). En fait, pour être tout à fait juste, il faudrait parler de lion léopardé et non d'un léopard si l'on en croit la grammaire héraldique (voir bibliographie). Cependant, malgré toutes mes recherches, je n'arrive pas à bien saisir la nuance entre le lion léopardé et le léopard, car les différentes sources divergent. Ajoutons qu'il y a aussi le léopard lionné, qui est un lion rampant regardant de face. Tout cela n'est pas simple…

Oublions quelques minutes les animaux et cessons de pinailler pour continuer sur notre lancée avec le drapeau breton qui n'est pas à proprement parler un blason. Mais nous pouvons tout à fait appliquer l'héraldique dessus, au moins pour le plaisir. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait avec le blason normand, qui existe aussi en drapeau. Il n'existe pas de description à ma connaissance pour le Gwenn ha du, c'est pourquoi je vous en propose une. Le Gwenn ha du peut être qualifié de burelé de sable et d'argent de onze pièces, au franc quartier d'argent à onze mouchetures d'hermine branchant sur le tout.

  • L'attribut burelé se dit d'un écu chargé de burèles.
  • La burèle est une pièce honorable réduite dérivant de la fasce. Elle diffère de la fasce par l'épaisseur de la figure. Ainsi s'il y a plus de dix fasces, on considère que ce sont des burèles.
  • Le franc quartier est un peu plus grand que le canton dextre du chef.

Drapeau breton

Drapeau breton

Petit temps de pause pour prendre une aspirine..

Et qu'en est-il du blason vosgien qui est d'argent, mantelé de sinople aux trois sapins arrachés de l'un en l'autre, au chef d'or chargé d'une bande de gueule surchargée de trois alérions d'argent posées dans le sens de la bande ?

  • Le mantel est une pièce ancienne et rare délimitée dans sa partie inférieure par deux traits de partition montant des cantons de la pointe vers le point d'honneur (cœur de l'écu). Cela forme un triangle à la pointe de l'écu. Ici il évoque les montagnes des Vosges.
  • Arraché s'emploie pour parler des arbres et des plantes dont les racines paraissent.
  • L'expression de l'un en l'autre signifie que les meubles sont de couleurs respectivement opposées aux couleurs d'une partition.
  • Quant aux alérions, ce sont de petits aigles représenté sans pied ni bec.

Blason vosgien

Blason vosgien

Terminons par deux jolis blasons.

De gueules à la nef équipée et habillée d'argent voguant sur des ondes du même mouvant de la pointe, au chef d'azur semé de fleurs de lys d'or sans nombre.

Blason de Paris

Blason de Paris

De gueules à la croix cléchée, vidée, pommetée de douze pièces d'or, sur une vergette du même, accompagnée en pointe d'un agneau passant d'argent, la tête nimbée, contournée, brochant sur la vergette, la croix accostée à dextre d'un château d'argent, et à sénestre d'une basilique du même, au chef d'azur semé de fleurs de lys d'or sans nombre.

Blason de Toulouse

Blason de Toulouse

Tout ceci n'est qu'une très courte introduction à l'héraldique. Les règles sont très nombreuses et permettent de décrire des blasons de plus en plus complexes au cours de l'histoire et au cours des différents héritages familiaux. En effet, seul le fils aîné pouvait hériter du blason de son père. Les autres enfants devaient briser le blason paternel en faisant une modification dessus d'où une évolution permanente des blasons familiaux au cours de l'histoire. L'étude des armoiries et des brisures constitue une piste pour remonter un arbre généalogique lointain.


  1. (1) Il faudra pour cela noter que les directions sont relatives au porteur de l'écu, et donc inversées pour celui qui regarde.
  2. (2) On trouve aussi d'autres versions du blason avec des léopards armés et lampassés de gueule.
  3. (3) Ce qui prouve que copier-coller Wikipédia amène souvent à dire des conneries.

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