Il est de notoriété publique que le roi des Bretons, Arthur Pendragon, portait une épée aussi légendaire que lui à la ceinture : Excalibur. Tout aussi célèbre est cet exploit qui fit de lui le souverain mythique que nous connaissons tous : il délogea la ferraille récalcitrante du rocher dans laquelle elle avait été enfermée par magie, ce qui le désigna héritier légitime du trône.

La critique de ce mode de « scrutin » très particulier laissant la place au hasard ou à la force physique n'est pas l'objet de cet article. Ce qui nous intéresse ici est de déterminer si oui ou non, Excalibur fut plantée puis retirée du rocher. La légende autour de ce fait d'arme a elle-même évolué à travers le temps. Parfois, tout le peuple breton s'essayait au test des dieux, parfois, c'est la main de Merlin qui guidait celle du futur roi… L'âge d'Arthur varie également selon les versions. Mais parmi toutes ces versions, une constante : Excalibur dort dans sa grosse caillasse. Pourtant…

Pourtant, la première version – celle de Robert de Boron au XIIe siècle) – fait bien état d'une épée dans un rocher, mais il ne nomme pas Excalibur. Selon l'auteur, Arthur ôte une lame qui le définit comme héritier légitime du trône de Bretagne (à savoir fils d'Uther Pendragon), mais cette arme ne porte pas de nom. Les nombreuses œuvres qui suivront attribueront plusieurs armes au roi Arthur, parmi lesquelles Excalibur, qui finalement sera considérée comme l'épée du rocher, mais que Robert de Boron avait plus sobrement qualifiée de sword in the stone.

Toutefois, cette analogie faite plus tard par de nombreux auteurs est fausse : Excalibur et l'épée du rocher sont deux lames distinctes. À l'époque d'Arthur (tant légendaire que réelle), les chevaliers disposaient de nombreuses lames, celles-ci pouvant être brisées, offertes, voire perdues. Et comme tout symbole de richesse et de pouvoir, plus on en a, mieux c'est. On peut même supposer qu'Arthur, en tant que chevalier important de son ère, disposait déjà d'une épée avant de tenter sa chance au rocher. Certains auteurs considèrent même que cette dernière serait l'épée de Pendragon, son père, ce qui justifierait la lignée royale qu'elle garantit !

Mais quid, dès lors, d'Excalibur ? Trouve-t-on réellement son existence dans la matière bretonne ? La réponse est oui, et vous en êtes même bien conscient, vous, lecteur. Fouillez votre mémoire un instant. Allez-y, n'ayez pas peur. Ouvrez la case « légendes bretonnes, gaéliques, celtes et autres bazars inutiles ». N'y trouvez-vous pas une image célèbre ? Celle d'une main, extirpant des flots, sur les rives d'un lac, une épée lumineuse dont se saisit un chevalier en armure ? La voilà Excalibur, l'authentique, la vraie, le cadeau de la Dame du Lac au roi Arthur.

Sur le pourquoi de ce cadeau, les arthuriens se disputent. Certains prétendent que l'épée de Pendragon s'était brisée, d'autres qu'Excalibur n'est pas offerte par la Dame du Lac mais par la fée Morgane, d'autres encore qu'il ne s'agit pas d'un vrai cadeau puisque elle est utilisée pour se venger d'Arthur… Après avoir déterminé la véritable identité d'Excalibur et levé le voile sur son imposture, voilà qu'on se retrouve avec une énigme tout aussi alambiquée : le pourquoi de son existence.

Finalement, nous ne sommes guère avancés.