Fils d'un prédicateur, Horst Wessel avait rejeté son éducation et s'était voué corps et âme au parti nazi. Enrôlé dans les chemises brunes, il se distinguait dans les combats de rue. Il fut abattu en février 1930. Et son assassin était un communiste. Assassinat politique ?

Le parti communiste allemand (KPD) a toujours nié avoir ordonné ou même connu le meurtre. Ce n'était pas dans ses méthodes, et si cela avait été le cas, il avait des cibles plus importantes et prioritaires que Wessel. Accessoirement, le conflit n'était pas encore total entre communistes et nazis, ces derniers n'ayant pas tous oublié qu'il étaient national-socialistes, certains comme Gregor Strasser (liquidé plus tard dans la fameuse « Nuit des longs couteaux » mais alors proche de Hitler) se réclamant même du national-bolchevisme.

La piste du règlement de compte privé est de loin la plus plausible. La logeuse de Wessel, Frau Salm, était la veuve d'un communiste connu. Mais elle reprochait aussi à son locataire de ne pas payer son loyer, et encore de vivre avec une ancienne prostituée, Erna Jänicke(1). La logeuse, donc, l'avait pris en haine, et serait la commanditaire. Toutefois, il a été dit aussi que l'assassin, Albrecht Höhler (il sera condamné à six ans de prison, et liquidé avant sa sortie par la GESTAPO), aurait aussi fréquenté Erna ! Il reste malgré tout un élément pouvant à la rigueur conforter le mobile politique : il pouvait s'agir d'une vengeance pour l'assassinat, attribué à Wessel, d'un militant communiste, Camillo Ross, le même jour.

Il fallait une certaine dose de mauvaise foi pour en faire un pur martyr, d'autant que les nazis ne reculaient eux-mêmes devant aucune violence. Mais Josef Goebbels était insurpassable en matière de mauvaise foi et de propagande. Il fit organiser pour le jeune homme de grandioses funérailles, sans toutefois pouvoir y faire assister Hitler en personne (et il s'ensuivit un froid passager entre les deux hommes). À partir de la prise du pouvoir nazi en 1933, des monuments furent élevés à Wessel, des rues baptisées à son nom.

Surtout, l'hymne écrit par Wessel (sur un ancien de marins allemands) devint l'hymne du nazisme.

Die Fahne hoch
Die Reihen fest geschlossen
S.A.marschiert
Mit ruhig festem Schritt
Kam'raden die Rotfront
Und Reaktion erschossen
Marschier'n im Geist
In unsern Reihen mit.

— Hymne

Levez haut le drapeau,
Les rangs sont fermés et serrés,
Les soldats marchent à l'assaut,
D'un pas ferme et résolu.
Les âmes de nos camarades
Tués par les Rouges et les réactionnaires
Sont dans nos rangs
Et marchent du même pas.

— Hymne traduit

Et ainsi de suite, rhétorique bien connue.


  1. (1) Selon certaines sources, Wessel, un peu proxénète, fournissait en prostituées les notables du régime.