Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord traversa au cours de sa carrière cinq régimes politiques successifs, ce qui lui vaudra le surnom amplement mérité de « prince de bien au vent ».

Fils aîné de grande noblesse française déchu de son droit d'aînesse à cause de son pied-bot, l'individu devient évêque d'Autun et est élu député du clergé aux États-Généraux en 1789.

Il signe la Constitution Française de 1791(1), et propose (et applique) la confiscation des biens du clergé (première incohérence dans l'histoire rocambolesque du personnage).
Anticipant la Terreur, il s'exile en Angleterre puis retourne en France en 1796, et un an plus tard le voilà déjà nommé ministre des Relations Extérieures du Directoire.
En 1799, il contribue au coup d'état du 18 brumaire, ce qui le met dans les bonnes grâces de Bonaparte qui le confirme alors dans son rôle de ministre des Affaires Extérieures. Il prend du grade en 1804 et devient grand Chambellan, puis est fait prince de Bénévent (petite principauté prise au Pape ; du beau pour un ancien évêque !) en 1806.

Mais une nouvelle fois, Talleyrand sent qu'il est temps de changer de barque : il est persuadé que la France ne résistera pas au reste de l'Europe coalisée, et particulièrement aux Autrichiens. Il rentre donc en contact secret avec le Tsar et lui conseille de refuser les propositions d'alliance de Napoléon pour se rapprocher plutôt des Autrichiens, tandis qu'il prépare avec Fouché et Murat la succession de Napoléon Ier.
Apprenant la trahison, Napoléon convoque quelques grands noms du royaume ainsi que Fouché et l'omniprésent Talleyrand. Prenant à parti l'intrigant, l'Empereur craque et finit par l'insulter ouvertement : vous êtes de la merde dans un bas de soie !
Déchu dès le lendemain de ses fonctions, Talleyrand conserve cependant sa place au Conseil, et traite ouvertement avec l'Autriche.

En 1814, sentant à nouveau le vent tourner dans la direction qu'il avait prévu, Talleyrand se rapproche des Bourbons. Après la chute de Napoléon, il est donc nommé ministre des Affaires Étrangères (c'est une lubie chez lui) par… Louis XVIII, qui semble lui pardonner.
Il continue de jongler avec les puissants jusqu'en 1834 où un ras-le-bol généralisé finit par le forcer à démissionner de ses fonctions.

Les incessants revirements de cette incarnation de l'Ancien Régime traversant cette période violente et mouvementée de l'histoire de France tout en restant dans les hautes sphères du pouvoir agacent évidemment ses contemporains, qui ne sont pas tendres avec le diable boiteux, tel François-René de Chateaubriand :

Tout à coup une porte s'ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché.

— Mémoires d'Outre-Tombe

  1. (1) C'est lui qui rédigera l'article VI des droits de l'homme : La loi est l'expression de la volonté générale. […] Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.