Tout fidèle lecteur omnilogiste est heureux de l'entendre résonner dans de belles occasions, un peu moins pour les plus tristes : la Marseillaise est un chant dont la symbolique n'est pas anodine.
Fidèle lecteur, il se rappellera avoir déjà appris bien des choses sur ce chant patriotique ainsi que sur son appellation initiale ou encore de son évolution dans le temps.

Aurait-on donc tout dit ?

Eh bien non ! Il se pose d'abord la question de savoir combien de couplets compte cette Marseillaise, puis de s'intéresser à l'un d'entre eux, spécifiquement appelé le couplet des enfants.

Alors, 6 couplets ? 11 ? voire 13 ou 15 ?

Il semblerait que la version officielle actuelle en compte 6 plus celui qui sera évoqué plus longuement.

Voici pour mémoire ces six premiers :

[Couplet 1] :
Allons enfants de la Patrie
Le jour de gloire est arrivé !
Contre nous de la tyrannie
L'étendard sanglant est levé (bis)
Entendez-vous dans nos campagnes
Mugir ces féroces soldats ?
Ils viennent jusque dans vos bras.
Égorger vos fils, vos compagnes !

[Refrain]
Aux armes citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons

[Couplet 2] :
Que veut cette horde d'esclaves
De traîtres, de rois conjurés ?
Pour qui ces ignobles entraves
Ces fers dès longtemps préparés ? (bis)
Français, pour nous, ah ! quel outrage
Quels transports il doit exciter ?
C'est nous qu'on ose méditer
De rendre à l'antique esclavage !

[Refrain]

[Couplet 3] :
Quoi ces cohortes étrangères !
Feraient la loi dans nos foyers !
Quoi ! ces phalanges mercenaires
Terrasseraient nos fils guerriers ! (bis)
Grand Dieu ! par des mains enchaînées
Nos fronts sous le joug se ploieraient
De vils despotes deviendraient
Les maîtres des destinées.

[Refrain]

[Couplet 4] :
Tremblez, tyrans et vous perfides
L'opprobre de tous les partis
Tremblez ! vos projets parricides
Vont enfin recevoir leurs prix ! (bis)
Tout est soldat pour vous combattre
S'ils tombent, nos jeunes héros
La France en produit de nouveaux,
Contre vous tout prêts à se battre.

[Refrain]

[Couplet 5] :
Français, en guerriers magnanimes
Portez ou retenez vos coups !
Épargnez ces tristes victimes
À regret s'armant contre nous (bis)
Mais ces despotes sanguinaires
Mais ces complices de Bouillé
Tous ces tigres qui, sans pitié
Déchirent le sein de leur mère !

[Refrain]

[Couplet 6] :
Amour sacré de la Patrie
Conduis, soutiens nos bras vengeurs
Liberté, Liberté chérie
Combats avec tes défenseurs ! (bis)
Sous nos drapeaux, que la victoire
Accoure à tes mâles accents
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire !

Le 7ème, appelé « couplet des enfants » donc, est dû à l'abbé Antoine Pessonneaux, né à Lyon en janvier 1761 et ordonné prêtre en 1785.
description
Il officiera d'abord à l'église Saint-Maurice à Vienne.

En 1787, il devient professeur dans un collège de Vienne et conseiller d'arrondissement.
En 1792, les Marseillais font étape à Vienne en montant vers Paris un fête est célébrée pour eux, et ils chantent le « Chant de guerre de l'armée du Rhin ». Le brave abbé fait chanter par ses élèves un nouveau couplet de sa composition :

[Couplet 7 : Couplet des enfants] :
Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n'y seront plus
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus (bis)
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre !

Il ne pensait pas là entrer dans la postérité, mais juste participer à l'élan créatif du moment. Cependant, le couplet plut tant qu'il fut adopté par les troupes.
Les avis divergents quant à l'investissement politique du rédacteur. Certains l'accusent d'avoir défroqué, d'autres d'être devenu franc-maçon, assertion régulièrement portée à tout ce qui touche au religieux à cette époque, comme dans les années qui suivront.

Toujours est-il que le 12 nivôse de l'an II(1), sous la Terreur qui s'était pressentie dès la prise de la Bastille, alors qu'il est traduit devant le comité de salut public de Lyon, grand pourvoyeur d'innocents à l'échafaud, le citoyen Antoine Dorothée Pesseneau ne sait pas trop ce qu'on lui reproche. D'avoir trop embrassé les idées nouvelles ? ou bien pas assez ? ou encore d'avoir été ordonné prêtre ?
Toujours est-il que la sentence allant être néfastement rendue, il entend passer dans la rue de jeunes enfants chantant sa strophe. La larme à l'œil, il sollicite de pouvoir écouter une dernière fois ce chant et cette strophe qui lui est due.

Incroyable, le voici acquitté !

Il prit par la suite sa retraite à Seyssuel et mourut en 1835. La ville de Vienne donnera à une rue son nom.
Nombre de mystificateurs revendiqueront la paternité de ce couplet, parmi lesquels Louis Dubois, un certain Lebrun ainsi que Marie-Joseph Chénier. Mais sans succès.
Mais si nous avons vu que 6 couplets constituaient notre Marseillaise, c'est parce que les suivants furent supprimés en 1792 par le ministre de la Guerre Servan :

[Couplets supplémentaires] :

[Couplet 8 ] :
Dieu de clémence et de justice
Vois nos tyrans, juge nos cœurs
Que ta bonté nous soit propice
Défends-nous de ces oppresseurs (bis)
Tu règnes au ciel et sur terre
Et devant Toi, tout doit fléchir
De ton bras, viens nous soutenir
Toi, grand Dieu, maître du tonnerre.

[Refrain]

[Couplet 9] :
Peuple français, connais ta gloire ;
Couronné par l'Égalité,
Quel triomphe, quelle victoire,
D'avoir conquis la Liberté ! (bis)
Le Dieu qui lance le tonnerre
Et qui commande aux éléments,
Pour exterminer les tyrans,
Se sert de ton bras sur la terre.

[Refrain]

[Couplet 10] :
Nous avons de la tyrannie
Repoussé les derniers efforts ;
De nos climats, elle est bannie ;
Chez les Français les rois sont morts. (bis)
Vive à jamais la République !
Anathème à la royauté !
Que ce refrain, partout porté,
Brave des rois la politique.

[Refrain]

[Couplet 11] :
La France que l'Europe admire
À reconquis la Liberté
Et chaque citoyen respire
Sous les lois de l'Égalité ; (bis)
Un jour son image chérie
S'étendra sur tout l'univers.
Peuples, vous briserez vos fers
Et vous aurez une Patrie !

[Refrain]

[Couplet 12] :
Foulant aux pieds les droits de l'Homme,
Les soldatesques légions
Des premiers habitants de Rome
Asservirent les nations. (bis)
Un projet plus grand et plus sage
Nous engage dans les combats
Et le Français n'arme son bras
Que pour détruire l'esclavage.

[Refrain]

[Couplet 13] :
Oui ! déjà d'insolents despotes
Et la bande des émigrés
Faisant la guerre aux Sans-Culottes
Par nos armes sont altérés ; (bis)
Vainement leur espoir se fonde
Sur le fanatisme irrité,
Le signe de la Liberté
Fera bientôt le tour du monde.

[Refrain]

[Couplet 14] :
O vous ! que la gloire environne,
Citoyens, illustres guerriers,
Craignez, dans les champs de Bellone,
Craignez de flétrir vos lauriers ! (bis)
Aux noirs soupçons inaccessibles
Envers vos chefs, vos généraux,
Ne quittez jamais vos drapeaux,
Et vous resterez invincibles.

[Refrain]

[Couplet 15] :
Enfants, que l'Honneur, la Patrie
Fassent l'objet de tous nos vœux !
Ayons toujours l'âme nourrie
Des feux qu'ils inspirent tous deux. (bis)
Soyons unis ! Tout est possible ;
Nos vils ennemis tomberont,
Alors les Français cesseront
De chanter ce refrain terrible :

[Refrain]

C'est presque dommage, ils sont parfois moins belliqueux que ceux qui ont perduré(2) !


  1. (1) Non, non, ne calculez pas : le 1er janvier 1794.
  2. (2) Incroyable, d'habitude, ses articles ne sont pas aussi longs à ce gars-là ! d'abord, on peut s'arrêter de le lire en cours de route, et puis si vous en êtes là, c'est que vous avez été courageux ! bravo…