« C'était mieux avant », « quelle nostalgie », « le bon vieux temps », « à mon époque »… que d'expressions pour exprimer le regret des temps passés !

Ce bon vieux temps est souvent invoqué de façon mélancolique. Il s'agit toujours de prétendre que le passé était mieux, plus agréable…

Mais qui oserait nier l'indéniable avancée de la tente 2 secondes de Décathlon, des repas au micro-ondes, de la catch-up TV ? Qui oserait regretter la vignette automobile, Internet Explorer en version 6, l'huile de foie de morue, le service militaire, le battage du blé ou les avancées sociales du XXe siècle ?

Rien qu'en médecine, nous avons plus progressé en 20 ans que pendant le reste de l'histoire de l'Humanité. Nous soignons mieux, plus rapidement, pour moins cher : valves cardiaques, dilatation des artères sans opération, sida, greffe des mains et même bientôt de la tête(1). Pensez au dentiste… et demandez à vos grands-parents de vous parler de la roulette Quetin (notez la lueur de frayeur dans leur yeux, 60 ans après).
Louis XIV mettait quelques jours pour aller jusqu'à Chambord : en 3 heures vous pouvez faire Lyon-Paris dans un environnement totalement climatisé(2).

Et on peut même aller plus loin, en parlant des erreurs du passé : ségrégation, mur de Berlin, Mussolini, Mao, l'Algérie, les suffragettes et les vieux préservatifs !

Bon. Et plus sérieusement ?
L'esprit humain est doué pour « agréger » les données. Je me souviens parfaitement bien de ma journée, relativement bien de ma semaine, pas trop mal du dernier mois. J'ai des souvenirs des évènements marquants de l'année, et une masse peu structurée de souvenirs d'avant. Notre cerveau n'aime pas l'équilibre et la neutralité : si la moyenne de mes souvenirs était « supérieure à bien », je me souviendrais de l'évènement comme très bien en oubliant les détails désagréables (ce superbe voyage à Londres, en oubliant les désagréments du voyage et les cafards à l'auberge pour me concentrer sur les points positifs). Bilan : si je retourne à Londres et retrouve des cafards, ma perception immédiate, précise, sera comparée à mon souvenir « général » pour en déduire que « c'était mieux avant ».
Cela fonctionne aussi à l'inverse : quand on finit par détester quelqu'un, on oublie tous les bons moments passés ensemble. Se fier à son cerveau, voilà qui n'est pas une bonne idée.

De même, nous aimons la découverte et la nouveauté. Mon premier saut à l'élastique n'a pas la même saveur que tous ceux que je peux faire après, même s'ils sont plus impressionnants. Les premières fois, dans tous les domaines, laissent leur marque, le frisson de la découverte et l'excitation de la nouveauté : un cocktail puissant et difficile à battre en retentant l'expérience. Une nouvelle fois, « c'était mieux avant ».

Certes, la vie est de plus en plus compliquée – que ce soit du point de vue de la société (qui évolue en permanence), de la technologie, ou simplement de nos actions qui s'accumulent pour mieux nous définir.
Mais maintenant, c'est vraiment beaucoup mieux. Il y a la paix(3), la sécurité sociale, l'allongement de l'espérance de vie, les antalgiques et la lumière à 2 heures du matin qui me permet de rédiger cet article rien que pour vous, alors que le Soleil est occupé à illuminer de ses rayons naissants l'Inde.

La nostalgie, c'était mieux avant parce que c'était juste les vieux qui regrettaient le temps jadis. Aujourd'hui, même les jeunes de vingt ans disent que c'était mieux avant.

Wrong century


  1. (1) Ce qui, personnellement, me pousse à m'interroger : qui est le donneur ? Qui est le receveur ? Et à qui appartiennent les enfants ? Au mort ?
  2. (2) Bon d'accord, la 3 G n'est pas au rendez-vous partout.
  3. (3) 65 ans de paix. Il faut remonter à la Pax Romana pour trouver une aussi longue période de tranquillité en Europe.